Si l’envie vous prend d’être en beau joual vert, et que vous cherchez de quoi vous faire pomper la veine temporale, juste pour le plaisir admettons, Painkiller est là pour vous, à attendre bien sagement que vous appuyez sur « Play » sur Netflix.
Non pas que la série soit mauvaise ou bâclée – loin de là: mais son objet a de quoi enrager, et c’est le but recherché.
La série de six épisodes, qui met en vedette Matthew Broderick sous les traits de Richard Sackler et Uzo Aduba dans la peau d’Edie Flowers, relate l’avidité d’une entreprise pharmaceutique qui a préféré fermer les yeux sur des centaines de milliers de décès causés par un de ses médicaments afin d’accumuler les milliards de dollars grâce à la dépendance que celui-ci a provoqué chez des patients.
Tout ça semble tiré par les cheveux? Eh non, même si le récit et certains personnages ont été romancés, question de faire tenir l’intrigue en quelques épisodes, le tout est inspiré de faits réels, comme en témoignent les brèves interventions de proches de vraies victimes de l’Oxycontin, véritable héroïne de la série, dans tous les sens du terme.
Pendant près de six heures, donc, nous suivons les tribulations d’un Ferris Bueller vieillissant qui hallucine des sonneries et le fantôme de son oncle, de qui il tient assurément son côté crapule, dont le seul objectif est de passer à l’histoire et de s’en mettre plein les poches, et ce, malgré les décès qui commencent à s’accumuler et à devenir gênants.
Qu’à cela ne tienne, on paiera qui il faudra pour bien nous faire paraître. Et tiens, pourquoi ne pas embaucher ceux qui nous mettent des bâtons dans les roues.
Le connard semble toujours s’en sortir, et ça enrage. On bout devant notre écran à voir avec quel malin plaisir une clique d’hommes en habit conspirent sans égard à leur prochain, tout ça pour le pécule.
Les preuves continuent pourtant de s’accumuler, et c’est Edie Flowers, une simple fonctionnaire qui en connaît trop sur les ravages de la toxicomanie, qui réussira à mener une enquête pour que s’écroule le château de cartes de la dynastie Sackler, dépouillée de son prestige beaucoup trop tard dans la réalité.
En parallèle, on suit aussi le triste destin d’un père de famille qui se fera prescrire la « pilule-miracle » après un accident de travail, mais aussi une jeune femme qui croit vivre le rêve américain en acceptant de séduire des médecins à coups de mini-jupes et de grands sourires pour les convaincre de prescrire une des drogues les plus pernicieuses qu’il ait jamais existé.
N’empêche, la réalisation de la série est bonne. Les prises de vue sont excellentes et les acteurs, impeccables pour la plupart. Si l’objectif du réalisateur Peter Berg est de nous indigner, c’est un pari des plus réussis.
Plusieurs critiques estiment que Painkiller n’arrive pas à la cheville de Dopesick, une autre œuvre basée sur la tragédie. Mais pour ceux qui n’ont pas accès à la plateforme Hulu (ou Disney+ au Canada) pourront se contenter de cette série qui nous fait réaliser que les pires, ce sont ceux qui sont accros au dollar.
Derrière le comptoir de la pharmacie
Une fois la série visionnée, l’algorithme de Netflix nous a proposé la mini-série documentaire The Pharmacist (Le Pharmacien), trois ans plus vieille que Painkiller, mais qui pose un regard semblable sur la crise des opioïdes qui a décimé des communautés américaines il y a un quart de siècle.
On y suit les démarches d’un pharmacien dont le fils a été tué lors d’une transaction de drogue qui a mal tourné, et qui découvre, en tentant d’obtenir justice, que sa petite communauté de Louisiane est l’un des épicentres de la crise.
Le fait d’avoir regardé Painkiller tout juste avant nous a permis de reconnaître plusieurs qualités à cette série, où on plonge davantage derrière le comptoir de la pharmacie et dans les cabinets où se signaient les prescriptions d’Oxycontin.
Le fait de connaître l’histoire, bien narrée dans Painkiller, a fait en sorte qu’on comprenait immédiatement de quoi il était question, même de dresser certains parallèles entre la réalité et la manière dont celle-ci a été dépeinte sous forme fictive.
Parmi les témoignages recueillis, on retrouve notamment celui d’une inspectrice de la DEA et d’un ancien commercial de Purdue Pharmaceutics, chargé de vendre les vertus du tristement célèbre comprimé auprès des professionnels de la santé. Deux individus qui pourraient très franchement avoir directement inspiré deux personnages centraux de la série de Peter Berg.
N’empêche, même si la trame narrative de The Pharmacist est un peu plus lente que celle de Painkiller, et c’est normal puisque la première couvre une période beaucoup moins étendue que la deuxième, celle-ci est beaucoup plus poignante.
Car ce sont de vrais humains devant la caméra. De vraies victimes.
La tragédie a rarement besoin d’être romancée.