Avec sa plus récente offrande, Christopher Nolan contredit la célèbre phrase d’Yvon Deschamps qui dit « on ne veut pas le savoir, on veut le voir ». Car avec Oppenheimer, le réalisateur parvient à présenter un film de guerre qui ne montre pas du tout la guerre. Ça n’empêche pas qu’on en ressent les horreurs et qu’on y voit le pire de certains hommes.
Facile, avec des décennies de perspective et de détachement, de comprendre à quel point une nation qui détient l’arme nucléaire peut être dangereuse pour le reste de l’humanité. Pourtant, quand celle-ci a été développée, dans un village western isolé dans le désert du Nouveau-Mexique, ses pères étaient convaincus que l’arme atomique serait si effrayante qu’elle empêcherait toutes les guerres à venir.
L’enfer est pavé de bonnes intentions, dit-on. S’ils avaient su…
Oppenheimer n’est pas un divertissement – c’est une capsule historique qui nous explique la course à l’armement nucléaire de la Seconde Guerre mondiale; d’abord contre les Nazis, puis contre les Russes, mais surtout dans l’espoir d’arrêter le conflit avec un Japon qui n’est pas près de capituler.
Déjà, au moment même de la conception de la bombe atomique, ses usages et les répercussions de sa création divisaient la communauté scientifique – Nolan réussit bien à illustrer ces divergences, dont les craintes, mais aussi la naïveté des différents individus ayant assisté de près ou de loin à la naissance «d’un nouveau monde», comme le dira l’un des personnages.
C’est donc un long-métrage biographique qui présente dans toute sa complexité l’un des héros du conflit qui, après son heure de gloire, a connu une chute brutale et injustifiée. Dans le genre, Oppenheimer se classe aux côtés des excellents Imitation Game (Morten Tyldum) et de A Beautiful Mind (Ron Howard).
Connu comme le « père de la bombe atomique », J. Robert Oppenheimer a été célébré au lendemain des attaques sur Hiroshima et Nagasaki, mais plus tard répudié pour des raisons qu’on apprendra au fur et à mesure que le film se déroule.
À noter ici que Nolan use énormément des sauts dans le temps et que, malgré des repères visuels nous permettant de situer chaque scène dans la trame narrative, un spectateur peu attentif ou somnolent pourrait s’y perdre. Car Oppenheimer est un film ambitieux et à la hauteur de ce qu’on en attendait, pour tant soit peu qu’on y accorde l’entièreté de notre attention, et surtout de notre concentration.
Le jeu en vaut toutefois la chandelle, car l’œuvre cinématographique est phénoménale. On en ressort soufflé par le récit, par le jeu des personnages, par l’attention apportée aux détails, bref, par l’ambition du projet.
Collection de statuettes à prévoir
S’il n’a pas réussi à faire exploser le box-office parce qu’une certaine bombe blonde est débarquée en salles au même moment, Oppenheimer s’impose d’ores et déjà comme le meneur dans la course aux prix.
Il est facile de penser que le long-métrage sera nommé, puis récompensé comme le meilleur film de l’année dans les plus prestigieux galas.
Pour sa part, Cillian Murphy sera sans aucun doute mis en nomination pour le meilleur acteur étant donné sa performance magistrale : malgré l’impressionnante distribution du film, c’est l’interprète du rôle-titre qui porte tout sur ses épaules, et ce, avec une grande justesse. On peut facilement parler ici du rôle de sa vie.
On imagine aussi que le travail de Robert Downey Jr., dans le rôle de l’énigmatique Lewiss Strauss, sera souligné.
On croit toutefois que la confrontation Barbenheimmer se reproduira du côté des statuettes, car Ryan Gosling dans Barbie ne laisse pas non plus sa place comme meilleur acteur de soutien.