Contrairement à certaines de ses précédentes adaptations (on pense entres autres à Cendrillon et à Aladdin), Disney a réalisé une prise record avec La Petite Sirène, qui a nagé en tête du box-office.
Déjà, depuis sa sortie sur grand écran le 26 mai dernier, le film est devenu l’adaptation « en vrai » la plus lucrative de Disney.
Force est d’admettre que le long-métrage suscitait de l’intérêt depuis que sa mise en chantier a été annoncée, en 2019. Le géant du cinéma a tenu sa promesse : dès les premières minutes du film, on est harponnés dans l’intrigue, rien de moins.
Pour les fans de la version animée, qui a marqué à la fin des années 1980 la période connue comme étant la « renaissance » de Disney, l’adaptation mettant en vedette Halle Bailey (adorable et convaincante) dans le rôle-titre titillera leur fibre nostalgique.
En effet, environ 80% du long-métrage reproduit quasiment plan par plan le film original. À cela s’ajoutent quelques scènes dont l’objectif est principalement de donner une histoire et une personnalité au Prince Éric (Jonah Hauer-King); hors de question, en effet, que notre Ariel du 21e siècle tombe amoureuse d’un humain seulement pour son abondante chevelure ébène et ses yeux bleus.
Non, le Prince Éric est lui-même un outsider dans son propre monde, il collectionne des souvenirs de ses nombreuses épopées en mer et rêve de liberté, lui qui n’a pas choisi la vie pour laquelle il est destiné. Ça vous rappelle quelque chose?
Comme le film dure 135 minutes, on retrouve aussi quelques scènes supplémentaires expliquant les motivations d’Ursula à vouloir faire du mal au Roi Triton et la réticence de celui-ci à laisser sa fille cadette remonter à la surface, deux éléments importants qui ne sont mentionnés, dans leur version animée, que dans le troisième film de la série, Le Secret d’Ariel.
On renoue également avec plaisir avec les grands succès du film original, tels que Parmi ces gens, Embrasse la fille et Sous l’océan, dont la reddition animée par ordinateur est tout aussi colorée et charmante que son équivalent animé. Le fait que la trame narrative se déroule désormais dans la mer des Antilles plutôt que dans les eaux nordiques du Danemark rend le tout plus crédible et surtout plus festif. Deux nouvelles chansons, dont on aurait probablement pu se passer, se greffent aussi à la trame sonore.
Une scène inédite dans un petit marché remplace par ailleurs le moment du chef Louis, qui dans le film de 1989 nous chantait à quel point il adorait cuisiner Les poissons, causant une scène d’épouvante avec le crabe Sébastien. On aurait gardé ce passage hilarant dans le nouveau film, mais on peut comprendre qu’en 2023, il serait fâcheux de choquer un auditoire partiellement vegan en montrant des gens se gaver de fruits de mer…
Sébastien et Polochon, plus vrais que nature?
Parlant du plus volubile crustacé qui soit, le fait qu’il ait été dessiné pour ressembler à un véritable crabe le rend beaucoup moins sympathique. En fait, l’image tout sauf caricaturale du crabe, dépourvu de ses immenses babines qui lui donnaient un air grotesque, tue le côté comique du personnage, qui place quand même quelques répliques rigolotes, mais sans plus.
Le compagnon Polochon a subi le même sort, avec une allure de poisson plat bien loin du petit ballon qu’il était dans la version animée. Écoutille, l’oiseau bavard et insupportable du film animé, est de retour en force, mais n’a aucune qualité pour le rendre appréciable. Ce faisant, les personnages secondaires qui agissent à tire d’amis de la petite sirène sont mièvres et facilement oubliés.
Le traitement « réaliste » sert toutefois bien les fameuses murènes d’Ursula, qui sont encore plus terrifiantes de la sorte.
Parlant d’Ursula, elle éclipse ses pairs dans chacune de ses scènes. La méchante pieuvre est interprétée avec brio par une Melissa McCarthy lumineuse (au sens propre comme au sens figuré) et plus grande que nature (encore une fois, littéralement, les connaisseurs du film original l’auront deviné).
Cela n’empêche pas la sorcière de la mer de connaître le même triste sort que dans la version animée, à la différence près que c’est la princesse de l’océan qui sauve son beau prince plutôt que l’inverse, cette fois-ci. La finale est aussi revue par souci de modernité – après tout, se marier à 16 ans, c’est un peu jeune, n’est-ce pas? – mais les bons sentiments sont encore au rendez-vous, au point d’arracher une petite larme, aussi bien à la petite sirène qu’à l’auteure de ces lignes.