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En fait, on ne voit pas Cher journal; une mutation. On va plutôt vivre l’oeuvre, la laisser entrer en nous pour quitter les estrades d’Espace libre et voyager, avec les interprètes, dans un monde aussi effrayant que porteur d’espoir, aussi sombre que lumineux, aussi vivant qu’en pleine décomposition. Quelque chose comme une grande oeuvre, en effet.

Gaz Bar Blues n’est cependant pas une ode à une époque révolue. Peut-être, en forçant un peu, mais il est clair que même au moment où se déroule la pièce, le concept de la station-service comme lieu de rasseblement a fait son temps depuis belle lurette. Non, il s’agit probablement davantage d’un regard doux-amer sur des gens très humains qui font le mieux en vertu des circonstances. Pas des héros, pas des zéros, mais des gens ordinaires.

La version théâtrale de l’oeuvre d’Anaïs Barbeau-Lavalette permet d’éclairer tout un pan de l’histoire du Québec et des États-Unis dans les domaines de l’art, de la ségrégation raciale, des rapports hommes-femmes, de la place du catholicisme, mais aussi de la soif de liberté radicale.

Le garçon de la dernière rangée pose de nombreuses bonnes questions. Malheureusement, en s’éparpillant un peu trop pour son propre bien, la pièce nous laisse avec l’impression que la chose est incomplète. Bref, comme le mentionne le personnage du professeur de littérature, il nous manque une bonne fin. Quelque chose qui nous surprenne, mais qui nous indique que cela ne pouvait se conclure autrement…

Malgré une complexité imputable au format papier, Afrodisiaque et son autrice, Maryline Chery, mettent certainement le doigt sur quelque chose de fondamental: le besoin d’accepter l’autre, certes, mais surtout de ne pas le considérer comme un étranger, ou pire, comme un animal de foire. Mais simplement comme un humain, y compris avec ses différences.