Du conflit colombien à la bohème montréalaise, l’auteur Edwin Bermudez s’inspire de son vécu dans son recueil de nouvelles Contes héroïques paru chez Mon Petit Éditeur en 2017. Le lancement du livre aura lieu le 2 avril à l’EtOH Brasserie, dans le quartier Villeray, à 17 heures.
En entrevue, ce passionné de littérature m’a raconté le chemin parcouru jusqu’à cette première publication… sous forme de livre, insiste-t-il.
À sa première publication, comment se sent-on?
Aujourd’hui, tout ce qui se fait en littérature, en musique, c’est un magma de création ! Avec ce livre, je suis content d’officialiser mon écriture. Ces textes ne sont plus juste à moi, ils sont lancés à l’extérieur dans le monde, puis ils vont rester là. C’est ça qui est bien. Je vais vieillir, je vais mourir, puis ils vont rester là. Si ça peut plaire au public, ce serait l’idéal.
Né à Montréal, tu as vécu ton adolescence en Colombie?
Je suis né, ici, en 1980. Mes parents sont Colombiens. À l’âge de 10 ans, nous sommes partis vivre à Cali. Là, j’ai vécu mon adolescence jusqu’à l’âge de 17 ans. Un pays que je ne connaissais pas et pourtant c’était le pays de mes racines, c’était un paradoxe et un impact. J’ai dû apprendre mieux l’espagnol et en même temps j’étais inscrit à un lycée français. Je n’ai pas perdu le français à cause de mon père. C’était un système éducatif complètement différent, plus rigoureux, plus difficile.
À quel moment as-tu eu la piqûre pour l’écriture?
Vers 13-14 ans, j’ai commencé à écrire des poèmes en m’inspirant de Baudelaire. C’était lié à l’accès à tous les grands auteurs par la bibliothèque du lycée dont la collection Folio de Gallimard. J’ai eu une adolescence assez tranquille, j’étais un grand lecteur. J’adorais la rêverie, le voyage intérieur qu’impliquait la lecture. Ça a aidé d’être dans une école qui accorde une grande place à la littérature et aux arts.
Quels auteurs t’ont-ils marqué?
Vers la fin de mon adolescence, je me suis intéressé aux auteurs latino-américains. J’avais la chance de pouvoir lire les auteurs dans la langue d’origine. En étant dans un pays d’Amérique du Sud, en m’informant sur tout ce qui se passe sur le continent, j’en suis venu à découvrir les auteurs du « boom », l’explosion de romanesque dans les années 1960. Une génération d’amis qui ont créé chacun une œuvre marquante inspirée de l’avant-garde européenne et américaine. Inspirée, mais propre au continent latino-américain. C’était nouveau, ça ne parlait plus du colonialisme, c’était plus contemporain comme préoccupation et la forme du roman était plus éclatée avec plus de déconstruction temporelle.
Pourquoi revenir à Montréal?
Je ne me suis jamais senti chez moi en Colombie, jamais « totalement » chez moi. C’était peut-être une idéalisation de l’enfance, mais je m’ennuyais de l’ordre, de la propreté, de la vie culturelle du Québec. C’était assez chaotique à Cali dans les années 1990. J’étais quand même jeune pour revenir, j’avais 17 ans. Mon père m’avait dit: « C’est correct si tu veux retourner, mais tu vas te débrouiller toi-même. » J’ai relevé le défi. J’ai été vivre dans un appartement assez misérable dans Parc-Extension. Une expérience de vie très formatrice.
As-tu adapté ton bagage littéraire à la réalité d’ici?
Je ne vais pas écrire du joual, mes personnages parlent un français plus international. Ma formation littéraire se voit dans la façon dont j’écris. Oui, je suis un auteur québécois, mais je ne revendique pas un état de « pure laine ». Je suis né ici, j’ai vécu presque toute ma vie ici, mais moi, en dedans de moi je suis plus de culture internationale. Dans Contes héroïques, il y a quelques nouvelles qui se passent à Montréal, mais la plupart se passent dans un milieu urbain qui n’est pas forcément décrit… je veux que ça soit plus universel.
Sans localisation?
…mais, il y a deux nouvelles que je tenais à marquer l’endroit, par exemple je nomme le Carré Saint-Louis. J’aime ça que le lecteur puisse retrouver les places que je décris parce que moi en tant que lecteur, j’aime ça pouvoir associer l’image mentale ficelée par le texte à une image physique. J’adore voir immortaliser Montréal dans les films, reconnaître des places. Tu te promènes dans ces endroits, ce qui se passait ne se passe plus, mais c’est un lieu mythique. J’aime beaucoup cette rêverie littéraire autour des endroits.
Au Québec, ton écriture a-t-elle changé?
Quand j’étais en Colombie, j’écrivais en espagnol. En venant ici, j’ai dû me mettre au français. Je n’avais pas perdu le français, mais l’espagnol était plus proche de l’effervescence que je vivais là en tant que Colombien. Cette effervescence qui était aussi liée aux feux de l’adolescence s’est transformée en quelque chose de plus réfléchi. J’étais plus productif quand j’étais plus jeune, mais, ici, je suis plus perfectionniste. Ce que j’ai perdu en effervescence, je l’ai gagné en concision, des fioritures à un travail d’orfèvre. L’hiver, ça aide vraiment !
Qu’en est-il de la vraisemblance pour les personnages?
Pour moi, c’est important que non seulement ce qui est écrit dans le texte, mais la voix qui apporte ce texte-là, la narration, soit vraisemblable. Il faut qu’il y ait dans la nouvelle un élément comme une bibliothèque qui explique d’où vient l’aptitude littéraire du personnage pour raconter la nouvelle dans laquelle il se trouve. Que ça se sente qu’il écrive régulièrement dans ses temps libres, par exemple… des signes manifestes.
L’édition s’est-elle bien déroulée?
Oui, c’est un projet personnel qui a été respecté.
Le livre Contes héroïques de l’auteur Edwin Bermudez parut à Mon Petit Éditeur en 2017 est disponible sur les sites web des grandes librairies ou à l’adresse suivante: commande@neopol.ca, ou encore en France: https://www.monpetitediteur.com/contes-heroiques.html/