Mardi se tenait à Québec la grand-messe budgétaire annuelle, alors que l’honorable Carlos J. Leitão présentait à sa populace en délire le quatrième volet de sa saga budgétaire.
On écrira par la suite qu’il s’agit d’un premier retour de balancier, d’une tentative de rebâtir ce qui a été démoli ou d’un acte de rattrapage. Il n’en est rien. Malgré l’inversion de la tendance baissière des derniers budgets, la nouvelle feuille de chou de Leitão s’inscrit dans la continuité de la trilogie originale: un budget idéologique visant la déconstruction systématique du modèle québécois.
Pour une poignée de piastres
Pourtant, les premiers mots qui sont sortis à la bouche des commentateurs étaient « baisse d’impôts »! C’est bien vrai, la fiscalité des particuliers est allégée, à hauteur de… 55$ par année. Littéralement une poignée de piastres. La semaine précédente, l’honorable Bill Morneau envoyait aux busards le programme de crédits d’impôts pour le transport en commun que d’aucuns trouvaient inefficaces car il ne représentait que quelques centaines de dollars par année. Cherchez l’erreur.
Au lieu de cette baisse famélique, on aurait pu injecter 270 millions $ supplémentaires dans les programmes qui font pâle figure. Et ceux-ci sont nombreux.
Mais le pari du gouvernement est double. Une baisse d’impôts, si petite soit-elle, fera toujours le bonheur des pieds tendres, en plus de contribuer à diminuer la taille de l’État québécois, réel objectif de la quadrilogie idéologique du ministre.
Et pour quelques piastres de plus
C’est ce qu’on constate dans la plupart des programmes et des crédits où on avait promis un réinvestissement une fois que la « maison » serait « en ordre ». L’argent promis est là, évidemment (on parle d’une moyenne d’environ 4% des dépenses de programmes). Mais force est de constater que les montants peinent à compenser les compressions des trois dernières années, et sont étalés sur si longtemps que l’oasis risque bien d’être asséchée d’ici là.
Pire, les réinvestissements annoncés sont trop souvent des réinvestissements sectoriels ponctuels, et ne laissent pas présager un investissement structurant ni même une dépense récurrente. Comme si l’honorable ministre nous préparait un cinquième tome l’an prochain, tome dans lequel les sommes non-attachées pourront être gracieusement distribuées à la en-veux-tu à un électorat conquis et béat.
En systématisant les baisses de dépenses et en créant un précédent de baisse d’impôts, le gouvernement Couillard mise sur la réduction systématique et idéologique de l’État. Et ces coyotes savent bien ce qu’ils font. C’est probablement pour ça que Leitão mise sur une croissance timide de 1,7%, bien inférieure à celle de nos voisins. Il n’y a pas de filon d’or à trouver en misant sur la décroissance.
Le budget en bref? Le puits est sec, la diligence est vide et les vautours tournent au-dessus de nos têtes.
Mais au moins, on a notre poignée de piastres.