Martin Prévost
En ce dimanche après-midi frisquet, c’est à une courte rencontre que Karin Kei Nagano conviait le public montréalais, le 12 mars dernier à la Salle Bourgie, dans le cadre du Festival Montréal en lumière. En effet, en tout et pour tout, l’exécution des œuvres inscrites au programme n’a duré qu’une cinquantaine de minutes.
La plus grande partie du programme était consacrée à 15 Sinfonias à trois voix de Johan Sebastian Bach, BWV 787 à 801. Le seul autre compositeur à l’affiche était Claude Debussy avec Deux Arabesques, L. 66 et Pour le piano, L.95.
Dans les notes de programme, écrites de la main de Madame Nagano elle-même, on apprend que les sinfonias de Bach ont fait partie du développement pianistique de l’interprète depuis sa tendre enfance. Quelle n’est pas notre surprise, alors, de constater que la pianiste ne joue pas de mémoire, mais bien avec la partition.
Devant ces quinze courtes pièces, Nagano fait preuve de recueillement, donnant même l’impression de prier entre chacun des opus. L’interprétation est juste, mais la pédale forte est trop présente pour des œuvres de Bach à mon goût. D’ailleurs, le Steinway de la Salle Bourgie a toujours son problème d’étouffoirs et le relâchement de la pédale forte entraîne souvent un grésillement déplacé et déplaisant. Le plaisir, quant à lui, semble n’apparaître qu’à la sonfonia no. 13, cinquième dans l’ordre d’interprétation. À partir de ce moment, les doigts de la pianiste ont pris le dessus et Bach est devenu dansant et exaltant. Tellement vif, qu’une note a même été omise dans la sinfonia no. 15. Qu’à cela ne tienne, la fête battait son plein et ça n’allait pas s’arrêter.
Après le Bach, au diable les partitions. Mme Nagano s’est emparée des Arabesques, de mémoire, avec une fougue « paganinienne », une énergie complètement libérée, sans aucune retenue. Quel spectacle! Et ça s’est poursuivi avec la dernière œuvre au programme. Le prélude de Pour le piano swinguait ferme et à la manière de Gershwin, s’il-vous-plaît!
Je crois pouvoir dire, sans me tromper que Karin Nagano admire le grand Bach, mais qu’elle aime d’un amour fou le fougueux Debussy.