Jérusalem, terre de religions, mais aussi terre de mystères et de tensions. En débarquant dans cette ville plusieurs fois millénaires, la réalisatrice Danae Elon se lançait dans un périple géo-politico-religieux pour lever le voile sur l’étrange histoire du patriarche en «exil» de l’Église orthodoxe grecque. Le tout raconté à un public des Rendez-vous du cinéma québécois complètement fasciné.
En 2005, les fidèles de l’Église ont commis l’impensable: forcer le départ du patriarche Irineos, pourtant le chef de cette Église s’étendant de la Grèce au Moyen-Orient. La raison? Une sombre affaire de contrats autorisant l’un des principaux groupes juifs extrémistes faisant la promotion de l’occupation de Jérusalem à gérer désormais deux hôtels emblématiques de la Ville sainte. Plongé dans la disgrâce, Irineos est renié par ses frères et placé en «détention» dans un petit appartement des bâtiments du Patriarcat.
L’affaire laisse des traces: le nouveau patriarche refuse de s’étendre sur les tenants et les aboutissants de l’affaire, mais l’ancien protégé d’Irineos, réfugié en Grèce, martèle que son mentor a été trahi par des forces extérieures, et lutte pour faire éclater la vérité. Pourtant, au Patriarcat, on soutien que l’ex-dirigeant peut aller et venir à guise. Pourquoi ce dernier craint-il alors d’être empoisonné, au point d’avoir un seul fournisseur de nourriture?
À travers les brumes d’une congrégation religieuse pratiquement aussi vieille que l’Église catholique elle-même, mais aussi dans une ville aux multiples secrets où la religion et la politique se télescopent violemment dans d’éternelles luttes de pouvoir, qui dit vrai? Danae Elon propose avec The Patriarch’s Room un film fascinant tenant presque davantage de l’enquête policière que du documentaire pur et simple. Le choix des images, celui des intervenants, sans oublier le montage musical… tout est agencé à la perfection pour nous tenir en haleine jusqu’à la fin.
De fait, on peut carrément classer The Patriarch’s Room parmi les documentaires d’enquête. D’autant plus que pour un public québécois, il s’agit aussi d’une occasion en or de découvrir l’ampleur des liens entre les différentes communautés vivant en harmonie délicate à Jérusalem. De l’enquête religieuse, on tombe pratiquement dans un thriller d’espionnage que n’aurait pas renié John Le Carré.
The Patriarch’s Room est un excellent documentaire, ainsi que la preuve que la détermination peut souvent mener à bien des choses intéressantes. Une façon polie de dire qu’il faut parfois avoir une tête de cochon…