Vendredi soir dernier, la Maison symphonique accueillait l’Orchestre métropolitain pour une prestation aux accents résolument britanniques. Sous la main de maître d’un impétueux Alexandre Bloch en grande forme, l’Orchestre a transporté le public au début du 20e siècle, en alliant la Downton Abbey Suite de la série éponyme, composée par John Lunn, au Concerto pour violon de Sir William Waton et à la Symphonie no 1 de Sir Edward Elgar. Un mélange aussi rafraîchissant que charmant, que la virtuosité de Jonathan Crow dans le Concerto de Walton ne vient que rehausser d’une touche presque euphorique.
Le choix des œuvres n’était pas anodin; effectivement, le compositeur John Lunn ne se cache pas qu’il a été inspiré entre autres par le travail de Sir William et de Sir Edward, inspiration qu’on sent bien lorsqu’on juxtapose les trois artistes. Bien que Lunn n’ait pas cherché à reproduire la musique des contemporains des personnages de la série, qui se déroule entre 1912 et 1925, on ne peut s’empêcher d’entendre un écho de l’adagio de la Symphonie no 1 à certains moments de l’excellente Downton Abbey Suite.
Le brio avec lequel Jonathan Crow ouvre ensuite le Concerto pour violon reste certainement un moment fort du spectacle. Sa fougue et son intensité dramatique, qui n’ont d’égales que celles de Bloch, nous transportent dans une Angleterre étonnamment tourmentée, avec une impétuosité qui n’est pas sans rappeler la célèbre citation de Shakespeare: « The course of true love never did run smooth. »
Et si le Concerto pour violon et la Symphonie no 1 ont bien quelque chose en commun avec la pièce plus contemporaine de Downton Abbey, c’est la fulgurance de la passion profonde, cette alternance des moments de calme et de tempête, cette succession de montées dramatiques et d’envolées lyriques qui viennent exacerber l’âme. Il semblerait que même les âmes anglaises, qu’on dit si froides et détachées, si correctes et appropriées, sont aux prises aux mêmes émois, aux mêmes catharsis que celles des autres.
Il ne nous manque plus qu’une tasse de thé Earl Grey – chaud –, une pièce de Shakespeare, ou peut-être un livre de Jane Austen, pour plonger dans un monde qui ne semble survivre que dans cet imaginaire collectif que nous nous faisons de l’Angleterre. En se laissant bercer par l’Orchestre métropolitain, on imagine sans peine la campagne parsemée de jardins savamment désorganisés, entrecoupée de promontoires rocheux où héroïnes et héros se recueillent pour mieux vivre leurs moments de deuil amoureux, dans une dramatisation qui résonne de manière intime, mais également magistrale, majestueuse, insoumise. C’est une Angleterre de mesure démesurée, de contrastes épurés, de motifs mélodiques à la fois doux et âpres qui se révèle et se réveille sous la direction toute en finesse de Bloch: une Angleterre impériale, mais en déclin; une Angleterre de fer, mais ravagée par un feu destructeur; une Angleterre avec la force d’une armada colonisatrice, dans toute sa grotesque et problématique splendeur, mais que la douceur d’une rose humide arrive à démanteler en un instant de grâce.
2 commentaires
Bonjour, merci pour cet intéressant et informatif article.
Petite remarque toutefois: il est d’usage de toujours faire suivre la dignité de Sir (ou Lady) du prénom de l’intéressé(e), c’est-à-dire Sir William (ou Sir William Walton) ou Sir Edward (ou Sir Edward Elgar), mais jamais directement du patronyme.
Et ce n’est pas la douairière Violet qui me l’a appris, mais Carson, son majordome…
Merci de la précision! 🙂 Si ce n’est déjà fait, ce sera corrigé sous peu!