Robert de Niro est capable de grandes choses et, si ce sont ses rôles de nature plus agressive, voire mafieuse, qui nous viennent souvent le plus rapidement en tête, il a prouvé à de maintes reprises qu’il était épris d’une tendresse indéniable. Dommage alors qu’en exploitant ce filon, on a eu tendance dans les dernières années à toujours enterrer cet aspect de sa personnalité avec un côté libidineux des plus déplorable. The Comedian est le plus récent faux pas que l’acteur de renom semble enchaîner à vive allure.
La fascination de Robert de Niro pour l’humour est en soi fascinante. S’il est acteur de métier, il a interprété des humoristes à plusieurs reprises et n’a jamais négligé son côté comique, souvent pince-sans-rire d’ailleurs, que ce soit avec Analyze This et Meet the Parents qui ont donnés lieu à des suites, ou à d’autres films qui n’ont rien à voir avec ceux plus connus et dramatiques que ce soit avec De Palma ou Scorsese. D’ailleurs, sa filmographie récente est particulièrement troublante. Si Last Vegas donne l’heure juste sur une certaine tendance des comédies simplistes avec acteurs et actrices de renom qui joue la carte de la vieillesse et de la retraite, ses autres choix plus discutables font classe à part.
Il reste tout de même David O. Russell qui fait du mieux qu’il peut pour garder sa carrière intacte dans des films de moins en moins convaincants, mais comment expliquer des objets comme Dirty Grandpa et The Big Wedding? Certes, The Intern aurait pu être bien pire, mais, c’est dommage de voir un grand acteur se réduire à des facilités souvent très déplacées qui mobilisent significativement l’intérêt ailleurs alors qu’il prouve quand même ici et là qu’il n’a pourtant pas jeté la serviette.
D’une sincérité plus désarmante que jamais, De Niro, dans des moments plus sages, nous montre une facette de lui-même attachante et réaliste qui donne envie de le chérir encore longtemps. Et c’est dommage que The Comedian, projet qu’il essaie de mettre en branle depuis près d’une décennie, doit non seulement se satisfaire d’un scénario qui ne développe jamais les bons aspects, tout comme d’une réalisation aussi médiocre par le peu talentueux Taylor Hackford.
Montage déplorable, horribles plans de drones, ralentis et accélérés non maîtrisés, manque de naturel des répliques, chimie discutable, angles de caméra peu avantageux, tout y passe. Autant dire que s’il s’était vraiment commis à son œuvre, on est presque certain que De Niro aurait fait un bien meilleur travail en participant autant à l’écrit et qu’à la réalisation à son film. De fait, peut-être même que sa réflexion sur les fins de carrière, la pression du 21e siècle et toutes autres complications de la célébrité tout comme du dur milieu de l’humour, aurait pu donner en équivalence au mésestimé Top Five de Chris Rock.
Puisque dans son autoréflexion sur l’intégrité et le désir d’être célèbre, Chris Rock a beau s’être fait éclipser par Birdman, sorti la même année, il n’en demeure pas moins qu’il a conçu une comédie aussi intelligente que foncièrement hilarante, tout en mettant en place une savante distribution jonglant avec d’excellents comédiens et de brillants cameos.
The Comedian veut tout faire cela, mais il échoue, et ce, assez lamentablement. Personne n’a l’impression de savoir ce qu’il fait là. Leslie Mann est perdue sans son Judd Apatow et, tout comme c’est le cas de Patti LuPone, dépasse bien souvent les limites du tolérable, alors que Harvey Keitel et Danny DeVito auront rarement semblés aussi peu inspirés. Certes, Eddie Falco a de la gueule, mais De Niro fait pitié à voir tomber toujours plus bas durant chaque nouveau plan.
Bien sûr, on le trouve d’une grande tendresse quand son personnage d’humoriste usant d’insultes comme principal type d’humour se montre attachant pour ceux qui l’entourent, mais on a bien du mal lorsqu’on le force à débiter des grossièretés toujours plus navrantes les unes des autres.
The Comedian apparaît alors comme bien superficiel. Il pose le regard sur des réalités toutes plus importantes les unes des autres (on tente même une incursion du côté de l’itinérance, c’est peu dire), mais il le fait par le biais de gens qui n’ont aucune idée des réalités qu’ils tentent de représenter. En créant un film sur le milieu humoristique autant actuel que d’antan, en parlant des répercussions des sitcoms marquantes, mais sans amener à la rescousse des collaborateurs qui ont touché à l’un ou l’autre de ses univers, la réflexion paraît alors aussi vide qu’inconséquente et inutile.
Voilà donc non seulement un rendez-vous raté, mais un supplice qu’on espère bien être le dernier pour un acteur qui a de moins en moins de respect autant pour son public que pour sa propre personne. Et ça, c’est sûrement le plus gros drame de toute cette comédie.
4/10
The Comedian prend l’affiche ce vendredi 3 février.