Alors que des compagnies de haute technologie exprimaient leur opposition au décret anti-réfugiés et anti-immigration signé par Trump vendredi soir, des universités faisaient part de leur désarroi, et l’une d’elles annonçait qu’elle refuserait de répondre à toute requête qui concernerait le statut de ses étudiants.
« Ce n’est pas une politique que nous soutenons », a réagi samedi le PDG d’Apple, Tim Cook, dans un courriel envoyé aux employés. « Apple n’existerait pas sans immigration, pas plus que le dynamisme et l’innovation tels que nous les concevons. »
Elon Musk (Tesla, SpaceX), Reed Hastings (Netflix) et Brad Smith (Microsoft) sont parmi ceux qui ont réagi négativement. Un communiqué de Google signalait samedi que plus d’une centaine de ses employés étaient directement touchés par le décret.
Même réaction dans l’industrie des biotechnologies : selon une enquête rapide menée dimanche après-midi par le bulletin EPointsNews, 1060 des 1200 chefs d’entreprises s’opposent au décret. La plupart sont « convaincus que l’interdiction aura un impact négatif sur l’industrie, menace la diversité des équipes, la venue à des congrès ». Mais dans plusieurs cas, il est clair que plusieurs des présidents de l’industrie sont simplement outrés par un geste dont ils sentent qu’il va ternir la réputation du pays pour des années à venir.
Les universités ont aussi dû s’ajuster. Dans le chaos qui a frappé plusieurs aéroports samedi et dimanche — alors que des centaines de personnes s’y retrouvaient bloquées ou renvoyées à leur point de départ parce qu’elles arrivaient d’un des sept pays visés par le décret présidentiel — il n’a pas échappé aux universités américaines que plusieurs de leurs étudiants et professeurs d’origine étrangère risquaient de se retrouver dans la liste. Déjà, parmi ceux et celles qui ont été empêchés d’embarquer dans un avion à destination des États-Unis ou qui ont été renvoyés à leur point de départ après avoir atterri, figuraient des étudiants des prestigieuses universités Yale, Stanford, et du Massachusetts Institute of Technology.
L’Université Stanford est l’une de celles à avoir publié un communiqué prudent: à toutes les personnes concernées, « notre recommandation est de ne pas voyager à l’extérieur des États-Unis pour l’instant », tant qu’on n’en saura pas plus sur la façon dont ce décret présidentiel sera appliqué. Mais l’Université du Michigan est allée plus loin : « L’Université satisfait aux règlementations fédérales liées à la gestion de ses programmes internationaux. Toutefois, l’Université ne partage pas d’informations personnelles telles que celles sur le statut d’immigration. La police du campus ne mène pas d’enquête sur le statut d’immigration dans le cadre de ses fonctions. »
Selon le magazine Chronicle of Higher Education, quelque 15 000 étudiants aux États-Unis seraient affectés par ce décret. Et la majorité sont d’origine iranienne.
En fait, rappelait dimanche The Atlantic, il existe aux États-Unis depuis des décennies un bassin aussi large que méconnu de prestigieux scientifiques d’origine iranienne : Firouz Naderi qui a contribué à la conception de sondes martiennes, Maryam Mirzakhani en mathématiques, Pardis Sabeti dans la lutte contre Ebola…
Si aucun n’est pour l’instant menacé d’expulsion, ils sont en revanche nombreux à se retrouver bloqués aux États-Unis, de crainte qu’ils ne puissent pas y revenir s’ils vont visiter leurs familles.
Et c’est sans compter les congrès scientifiques : ici et là sur Twitter, ils sont plusieurs à avoir demandé depuis samedi s’il fallait maintenir les congrès internationaux aux États-Unis, sachant que les représentants de certains pays ne pourront pas y venir, ou bien déplacer ces congrès à l’étranger sachant que les scientifiques américains originaires de certains pays ne pourront pas y aller.
Lundi matin, plus de 7000 universitaires, dont 40 Nobels, et plus de 12 000 autres personnes avaient signé une pétition s’opposant à ce décret, qualifié de « discriminatoire », « contraire aux intérêts des États-Unis » et imposant « un fardeau injustifié aux membres de notre communauté ».