Une vingtaine de personnes entassées dans la salle intime du Théâtre Prospero. Deux humains tout ce qu’il y a de plus (a)normal racontent leur rencontre et l’évolution de leur relation. Bienvenue dans l’univers réaliste de Blink.
Pièce écrite par Phil Porter, selon une traduction de Yannick Chapdelaine et une mise en scène de Charles Dauphinais, Blink, c’est l’histoire passablement banale de Jonas et de Sophie. Les deux adultes dans la vingtaine, ou tout au plus le début trentaine, sont comme vous et moi. Banals, peut-être même ennuyants, à bien y penser. Oh, ils ont bien ce petit quelque chose qui détonne, ce bagage émotionnel ou physique qui permet de les distinguer des spectateurs venus les entendre, mais rien d’exceptionnel.
Voilà d’ailleurs ce qui fait la force de Blink. Une histoire que l’on oublie en un clignement d’yeux, une relation qui débute avec une utilisation inusitée et surprenante de la technologique, mais surtout une vie commune qui doit surmonter des obstacles si fréquents, si communs qu’on ne les voit plus. Cela explique sans doute pourquoi on découvre nos protagonistes dans ce qui ressemble à une réunion pour anonymes quelconques. Les anonymes anonymes? On est d’ailleurs priés de laisser manteau et bottes aux vestiaires, et c’est en « pied de bas », si peu confortablement installés sur des chaises en bois à l’aspect fragile et au dossier intraitable, que l’on plonge avec Jonas et Sophie dans une vie faites de rebondissements, mais aussi de moments tendres. À leur façon, les deux âmes en peine transposent, parfois de façon exagérée (nous sommes au théâtre, après tout), les défis des débuts d’une relation.
Une prise de contact sans cesse repoussée par la faute de la timidité des deux membres du couple. Un voyeurisme à la fois omniprésent et effacé, pas sous la forme de photos intimes, mais plutôt d’une connexion vidéo presque constante. Comme si le fait de partager des moments de la vie de tous les jours pouvait tenir lieu de discussion, de conversation initiatrice d’une relation amoureuse.
On saluera, avec Blink, une création romantique à ses heures (ou en son genre, c’est selon), un jeu des acteurs qui séduit autant qu’il trouble – jusqu’à un certain point -, ainsi qu’une utilisation remarquée du minuscule espace laissé à la disposition du Théâtre La Bête Humaine.
La vie est souvent ordinaire, certes, mais c’est fort probablement dans cet ordinaire que réside la vraie beauté des choses.