Il y a quelque chose d’intimidant, dans le Grand Orgue Pierre-Béique, à la Maison symphonique. Et c’est cet aspect intrigant, voire inquiétant, qui était mis de l’avant, dimanche, lors d’un concert donné par une musicienne de renom.
Isabelle Demers, l’une des très grandes organistes de notre temps, était effectivement seule sur scène, face aux tuyaux d’orgue massifs de cette construction aux allures de machine complexe et mystérieuse. Seule sur scène, oui, mais aussi seule, en quelque sorte, devant ce qui a encore et toujours des allures de tableau de commande d’un vaisseau intergalactique: leviers, pédales, touches et autres valves servant à exploiter le potentiel du magnifique instrument.
Au programme, une oeuvre qui avait justement été déjà interprétée, plus tôt cette semaine, mais dans un tout autre contexte: L’Oiseau de feu, de Stravinsky. Mais pas de projection de Fantasia, cette fois: seulement une adaptation pour orgue de ce classique du compositeur russe.
Mais avant d’y parvenir, Mme Demers avait prévu tout un programme, avec notamment du Rimski-Korsakov, du Elsa Barraine, ou encore du Naji Hakim, entre autres morceaux.
C’est dans ce contexte que l’orgue peut se révéler être à la fois son meilleur allié et son pire ennemi. D’un côté, un instrument comme celui que possède l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) est un parangon de puissance et polyvalence: des grands airs tonitruants aux sons les plus subtils, il est possible d’en tirer l’accompagnement musical que l’on souhaite.
Or, voilà, c’est justement en tant qu’accompagnement que la musique à l’orgue semble s’avérer être la plus intéressante, ou oserons peut-être dire la plus digeste.
Seul, l’orgue semble presque nu, en quelque sorte… Il est certainement placé devant ses propres contradictions. Et si la complexité de cet orgue Pierre-Béique permet absolument d’explorer toutes sortes de nuances musicales – sans compter le fait que l’interprète est une virtuose –, on se retrouvait parfois à alterner presque violemment entre le calme et la fureur, entre les notes cristallines et les sonorités qui se télescopent devant l’empressement, ou peut-être le côté multiharmonique des oeuvres choisies et quelques fois adaptées directement par Mme Demers.
En fin de compte, ce concert était peut-être davantage destiné à des mélomanes avertis, plutôt qu’au grand public. Pourtant, l’orgue demeure un instrument magnifique, qui peut certainement renforcer la majesté d’une partition. Seul, cependant, il semble intimider, plutôt que de séduire les spectateurs.