Difficile de trouver plus bourgeois que le long-métrage Lion, véritable piège à bons sentiments qui utilise la misère pour en faire son attraction. C’est ainsi, au travers des larmes forcées, qu’on poussera le spectateur à se repositionner à nouveau au centre de tout au détriment de toutes les tristesses du tiers monde.
Inspirée d’une histoire incroyable, mais vraie, Lion s’intéresse à l’adoption et à la quête de ses racines. On y suit la vie tumultueuse d’un jeune garçon indien qui se retrouvera bien loin de son bidonville, s’éloignant toujours plus de sa famille. Étendue sur une vingtaine d’années, le jeune garçon deviendra homme, adopté par des parents australiens aimants, tout en gardant le désir bien ancré de retrouver les siens pour leur dire que tout va bien.
Si la prémisse est pleine de beauté, d’espoir et d’une certaine poésie, le hic, c’est que cette première réalisation au grand écran de Garth Davis ne fait preuve d’aucune subtilité et joue assez gros dans ses métaphores, ses messages et, surtout, son misérabilisme. En misant sur le drame, on pousse chaque dialogue et on s’assure que les plans tout comme les gros plans dramatisent avec insistance la gravité des situations, que ce soit en misant sur ce qui est en cage, emprisonné ou même noyé dans la noirceur ou la tristesse.
Bien sûr, il y a quelque chose de beau dans le silence qu’on prône à plus d’un moment, transformant ce film qui veut s’immiscer à l’intérieur des uns et des autres en réflexion posée. Toutefois, pourquoi alors s’assurer que la tonitruante et sirupeuse trame sonore remplit chaque racoin de la piste sonore? C’est poussé, c’est forcé et ça enlève toute la profondeur à l’ensemble.
Certes, la distribution a du panache. Sauf que Dev Patel n’est jamais très loin de Slumdog Millionnaire, Rooney Mara fait le mieux qu’elle peut avec un personnage secondaire aussi accessoire, et, Nicole Kidman, bien que d’une belle justesse, doit se contenter de permanentes casse-gueule tout comme d’une monologue verbeux ironiquement égocentrique qui lui vaudra bien plusieurs nominations dans les cérémonies prestigieuses. Tout cela, on le doit sûrement au scénario de Luke Davis qui a, l’an dernier, trouvé le moyen d’écrire un biopic assez fade sur un personnage aussi mythique que James Dean.
Dénué de style ou d’élégance, il concocte un film sur un personnage qui intéresse autant que les larmes du spectateur qu’on veut aller chercher de par ce qu’il vit. Rapidement, alors que l’aberration devient de plus en plus grande, on réalise que le film cherche simplement à faire la paix entre les riches et les pauvres et à montrer que la misère est ailleurs et que l’amour est dans ce qui est développé et moderne et, surtout, caucasien. Cette grande tape sur l’épaule veut confirmer à quel point l’homme peut être bon et généreux et donne l’impression, en regardant un film qui se nourrit du désespoir des autres, de rassurer tout le monde qui le visionnera en leur disant qu’ils ont eux aussi la possibilité d’aider en donnant de l’argent, simplement de l’argent (le film se termine véritablement avec une adresse courriel pour aller faire des dons).
Simplement, on ne tombe plus vraiment dans le cinéma ou même une forme d’art, mais plutôt dans une infopub commanditée par Google qui s’avère un brin plus émotive que dans ce qui joue dans les commerciaux à la télévision.
Restera donc à départager ceux qui auront le malheur de tomber dans le piège de Lion, un faux film rassembleur qui cherche seulement à se réconforter lui-même plutôt qu’à véritablement s’intéresser à son sujet pour lui permettre de s’émanciper. On en sort avec un goût amer et un sentiment de trahison et d’inconfort.
4/10
Lion prend l’affiche en salles le mercredi 21 décembre.