En date du 14 mars, environ 250 cas de rougeole avaient été signalés dans trois États des États-Unis, la majorité au Texas, depuis le début de l’éclosion à la fin-janvier. Et deux personnes en étaient décédées. Ces deux décès suggèrent toutefois que le total de 250 cas serait une sous-estimation.
C’est que selon les différentes estimations, le taux de mortalité à cause de la rougeole varie entre 1 et 10 personnes sur 10 000. Deux décès sur 250, ce serait donc anormalement élevé. Pour les experts, comme l’épidémiologiste américaine Kately Jetelina qui écrit à ce sujet dans son infolettre, c’est un premier signal d’alarme comme quoi un nombre élevé de cas n’auraient pas été rapportés.
Il est inévitable, dans toute épidémie, que des cas ne soient pas rapportés. La rougeole est certes une maladie plus difficile à ne pas remarquer, mais il y a toujours eu des groupes de gens, incluant des groupes de parents, qui préféraient éviter les médecins. Et c’est possiblement pire dans le contexte post-COVID. De fait, rapportait plus tôt ce mois-ci le magazine The Atlantic, des cliniques ont rapporté au Texas une plus grande résistance à accroître les tests de dépistage.
Des infections ignorées?
Selon le magazine médical STAT, des médecins notent que des patients infectés par la rougeole sont arrivés à l’hôpital extrêmement malades, ce qui suggère que certains résistent même à l’idée de se faire traiter, jusqu’à ce que la maladie ne soit devenue très grave. Cela laisserait donc dans l’ombre un total indéterminé d’infections qui, auparavant, auraient été comptabilisées par les médecins. Et cela augmente les risques que le malade transmette la rougeole — puisqu’il s’agit d’une maladie hautement contagieuse — tant qu’il n’est pas adéquatement isolé.
Dans une étude parue en 2020 dans le New England Journal of Medicine et portant sur une éclosion récente de rougeole à New York, une équipe du ministère de la Santé de la ville signalait que les médecins n’avaient pris connaissance de certaines infections que « plusieurs semaines ou mois » plus tard, lorsque les parents avaient amené leur enfant pour un test de dépistage, parce que celui-ci était alors obligatoire pour un retour à l’école.
Dans le cas de l’éclosion en cours dans le sud des États-Unis, le deuxième défunt, un adulte au Nouveau-Mexique, n’était pas allé à l’hôpital du tout. Qui plus est, déjà en 2023, des experts faisaient remarquer qu’un nombre anormalement élevé de cas de rougeole étaient chez des adultes, suggérant que les parcours que suit l’infection commencent à changer. Il pourrait s’agir là d’un symptôme de cette méfiance accrue face aux traitements, ou il pourrait même s’agir d’un phénomène générationnel: les enfants dont les parents avaient refusé la vaccination dans les années 1990 et 2000 sont maintenant devenus des adultes. Et comme ils se déplacent davantage que lorsqu’ils étaient enfants — travail, loisirs, restaurants, voyages — ils sont plus à risque de transmettre une infection.