Après 150 000 articles en cinq ans et 17 millions de génomes décodés, le virus responsable de la COVID-19 a transformé la science des virus.
Si d’autres virus ont davantage d’articles scientifiques à leur actif, c’est uniquement parce qu’ils sont connus depuis plus longtemps. Le SRAS-CoV-2 — le nom officiel du coronavirus provoquant la maladie qui serait connue sous le nom de COVID-19 — a généré à lui seul trois fois plus de recherches que le VIH pendant la même période, selon la base de données des citations Scopus.
Mais ces 17 millions de virus dont on a décodé le génome constituent un chiffre plus important aux yeux des experts, parce que c’est grâce à ce nombre gigantesque — du jamais vu dans l’histoire des épidémies — que les virologues en savent désormais davantage sur la vitesse à laquelle un virus — et pas seulement celui-là — peut évoluer.
Recherches très rapides
C’est en effet en comparant, dès janvier 2020, les séquences génétiques de virus recueillis sur des patients dans des villes différentes à des dates différentes que les chercheurs ont pu non seulement construire un « arbre généalogique » du virus, mais, en plus, mesurer le taux de mutation et les variations du taux d’infection, par exemple en fonction des différentes variants du coronavirus. Ces variants —Alpha, Gamma, Omicron— ont, à eux seuls, donné un coup d’accélérateur aux décodages de génomes, parce qu’on sentait avec chaque nouveau variant l’urgence de comprendre pourquoi celui-là était soudain plus virulent ou plus contagieux. Et parce qu’on essayait en même temps de prédire où et quand apparaîtrait le prochain.
« C’était une opportunité pour observer une pandémie en temps réel » avec un degré de précision qui « n’avait jamais été accompli auparavant », résume dans la revue Nature le virologue britannique Tom Peacock. La technologie qui permet de « lire » un génome à une telle vitesse n’existait même pas encore, 10 ans plus tôt.
Un autre impact a été le partage d’information à grande vitesse que cela a engendré: tous ces décodages ont été déposés dans des bases de données accessibles à tous, comme GISAID (Global Initiative on Sharing all Influenza Data), créée à l’origine pour étudier les gènes de la grippe, et Nexstrain, une initiative créée en 2015, qui s’était donné pour mission d’effectuer un suivi des virus à partir de l’évolution des génomes.
Tout cela a été mis en place dès les premières semaines de la pandémie. Il faut se rappeler que la toute première alerte sur une mystérieuse série de « pneumonies atypiques » dans la ville de Wuhan, en Chine, fut le 30 décembre 2019, dans un message du forum spécialisé ProMED. Le 8 janvier 2020, survenait la première confirmation par des chercheurs chinois qu’il s’agissait d’un « nouveau virus ». Le 12 janvier, était publiée la première séquence génétique de ce coronavirus. Le 18 mars, alors qu’une bonne partie de la planète entrait en confinement, le serveur Nextstrain affichait déjà son 700e génome.