Même avec une importante distribution, que ce soit en chair et en os, ou encore pour doubler des personnages animés, l’adaptation du roman graphique suédois The Electric State, de Simon Stalenhag, réalisée par les frères Russo, rate la cible.
L’oeuvre a beau disposer d’un budget imposant, surtout pour un film confié à Netflix – après le retrait d’Universal –, cela n’y change rien: difficile d’encore moins convaincre le public.
À plus d’un moment, on jurerait que le géant Amazon est relié au projet. On en doute un peu plus quand le méchant de service prend des airs de mégalomane psychopathe aux idées de grandeur inquiétantes, en voulant user du plein contrôle de la technologie du futur, mais on pense en être convaincu quand tout semble un prétexte pour du placement de produits.
Vous n’aurez pas la berlue de découvrir qu’un des personnages importants du film est nul autre que Mr. Peanut, oui-oui, la mascotte des arachides Planters.
Puisque voilà, ce film de science-fiction du passé retourne au début des années 90, dans une réalité alternative où l’ont aurait pris le plein potentiel de la technologie robotique, et que celle-ci aurait débouché sur l’indépendance des intelligences artificielles.
Toutefois, outre une panoplie de références au passé et un désir de suivre sa source littéraire, difficile de croire à l’importance de retourner à une telle époque, puisque tout semble au contraire très moderne et très actuel, même dans la manière d’agir des personnages. À l’opposé, les réflexions et les détours scénaristiques semblent, eux, être bien archaïques.
On ne trouvera pas non plus, dans le film, de grandes réflexions sur la peur de l’IA, alors qu’on garde le tout bien simple; le film semble fait pour des enfants après tout, et on passe à côté la chance d’en faire un hommage-somme au volet science-fiction de la carrière du grand Steven Spielberg.
En renouant avec leurs scénaristes Christopher Markus et Stephen McFeely, les frères Russo nous rappellent que les scénarios n’ont jamais été la grande force de leurs propositions. Toutefois, cette quête d’une jeune adulte endeuillée pour retrouver son frère grâce à l’aide d’un homme blasé peu recommandable, mais qui cache un bon fond, ne permet pas non plus d’en offrir beaucoup à nos deux réalisateurs, qui excellent habituellement en scènes d’action.
De fait, outre quelques batailles génériques (la finale semble calquée sur les scènes les plus anthologiques précédemment tournées pour Marvel), l’action est aussi ennuyante que le reste de l’ensemble alors qu’on laisse se déployer tout plein d’images de synthèse, pendant que les vrais comédiens gesticulent assis dans un coin avec un casque de simulation sur la tête.
Quel gâchis de ne pas tirer davantage profit de noms aussi prestigieux et talentueux que ceux de Jason Alexander, Colman Domingo, Brian Cox, Giancarlo Esposito et Jenny Slate, pour ne nommer que ceux-là. Même le piteux Borderlands avait au moins le mérite de nous satisfaire avec les éléments clés de sa distribution.
Comme quoi, on plaint Ke Huy Quan, qui a repris un rôle prévu au départ pour Michelle Yeoh, et on comprend cette dernière de s’être sauvée de l’invitation. Ce tour de passe-passe ajoute à l’idée d’interchangeabilité que semble prôner les frères Russo, qui réalisent ce film comme n’importe qu’elle commande anonyme, troquant une vedette de Everything Everywhere All At Once – qu’ils avaient après tout produit–, pour une autre.
Au mieux, Millie Bobby Brown se démène autant qu’elle peut dans le rôle principal, mais elle n’est malheureusement pas à l’épreuve des dialogues risibles que tous doivent déblatérer, en plus des interminables scènes d’exposition et d’explications.
C’est pourtant mieux que Chris Pratt, de plus en plus sur le pilote automatique, lui-même aussi inconfortable que son horrible perruque, à constamment être appelé pour jouer des caricatures de ce qu’il a interprété mille fois précédemment. On a souvent l’impression d’y retrouver une version épuisée de Peter Quill, alias Star-Lord, des Guardians of the Galaxy.
Certes, la majorité des robots ont de la gueule. Les effets spéciaux sont somme toute convaincants, mais rien de révolutionnaire face à une panoplie de films qui se ressemblent. Surtout si on veut dépasser la barre des deux heures et, malheureusement, peut-être débuter une nouvelle franchise. Comme quoi on repensera à The Creator de Gareth Edwards qui avec une fraction de ce budget de plus de 300 millions, déjà parmi les films les plus couteux de tous les temps, avait au moins le mérite d’essayer quelque chose avec une économie de moyens.
The Electric State peut ainsi faire passer le temps des cinéphiles les moins difficiles cherchant un divertissant particulièrement léger, mais on conseillera surtout de tout simplement passer son chemin et de se débrancher d’un tel supplice. Ce sera, en toute ironie, après tout la morale dégoulinante de la fin. Vous aurez été prévenus.
2/10
The Electric State débarque exclusivement sur la plateforme Netflix ce vendredi 14 mars.