Trip qui vire mal? Secte? Règlement de compte? Tout et rien à la fois? Les mystères s’accumulent presque aussi vite que lors d’un épisode de la télésérie Lost, alors qu’on pense à la Dharma Initiative avec ce Opus.
Il s’agit du premier long-métrage atmosphérique, mais néanmoins convaincant, du cinéaste Mark Anthony Green, qui a le minimum syndical d’éléments convaincants, à défaut de répondre à toutes les attentes, peu importe celles qu’on peut avoir (ou non) en débutant le film.
A24, bannière prestigieuse du cinéma indépendant, stagne un peu depuis quelques années. Aux prises avec un couteau à double tranchant, c’est-à-dire le désir d’offrir de la visibilité à des cinéastes émergents, tout en continuant à d’autres de s’émanciper en toute liberté, voilà qu’on en offre plus que le client en demande et que ce ne sont pas toutes les oeuvres proposées qui arrivent à étancher notre soif.
Si la qualité est toujours de mise, on reste un peu sur notre faim avec Opus, qui maintient l’impression que les films A24 sont de plus en plus inféodés à une signature, ou encore à une liste d’éléments à cocher.
Ici, une jeune femme se retrouve un peu malgré elle dans ce qui semble être une commune fermée aux airs et aux pratiques de plus en plus inquiétantes. Cela vous est-il familier?
Effectivement, comme on s’en doutait avec les premières bribes de promotion, voilà que le long-métrage s’engage rapidement dans les sentiers bien battus de Midsommar de Ari Aster, un des grands succès de la bannière.
Sauf qu’on multiplie aussi rapidement les parallèles avec d’autres oeuvres du même genre, ratissant aussi large que le récent et brillant Blink Twice de Zoë Kravitz, ou encore les Dix petits nègres de Agatha Christie. Citer, pasticher ou référencer des classiques ou d’autres créations fait presque toujours plaisir, après tout.
On garde néanmoins espoir, puisqu’on nous propose une incursion très moderne qui s’en prend au culte de la célébrité et, plus précisément, à l’industrie musicale. Les similitudes étant après tout nombreuses entre gourou et vedette, tout comme entre les fanatiques et les groupies.
À ce titre, bien que John Malkovich soit impeccable dans le rôle de l’imprévisible Alfred Moretti, on a raté l’occasion de virer le tout en quelque chose d’un peu plus meta en offrant le rôle à une vedette du passé comme Mick Jagger par exemple ou quelqu’un de cet acabit. Au moins, on a pris la peine de rendre le rôle crédible à souhait, notamment dans le soin aux détails, en passant par des chansons auxquelles ont participé Niles Rodgers et The-Dream.
Résister au hit fictif Dina, Simone est d’ailleurs une mission assez impossible:
On se rassure aussi, puisque la distribution demeure solide et diversifiée, au-delà des stéréotypes, avec des rôles secondaires offerts à Tatanka Means et Young Mazino, notamment. Ayo Edebiri est après tout l’une des figures les plus talentueuses de sa génération et elle parvient sans mal à assumer avec nuance et convictions le rôle principal.
À ses côtés, on se plaît à voir des Murray Bartlett et Juliette Lewis tout aussi inspirés, incluant un cameo jouissif du toujours irrésistible Tony Hale et un autre de Rosario Dawson, si vous avez l’oreille.
Mieux, la réalisation de Green est confiante et maîtrisée et arrive sans mal à jouer sur le facteur inquiétant, oppressant et souvent ragoûtant. Plusieurs passages font frémir et d’autres donnent carrément envie de détourner le regard. Le soin apporté aux images et au son, tout comme un montage plutôt précis, a tôt fait de nous mettre sur nos gardes et de ne jamais savoir ce qui nous attend.
Dommage que le scénario ne va pas nécessairement dans le même sens, en semblant emprunter la même voie que trop de créations récentes qui donnent l’impression d’exister soit dans l’espoir d’avoir des suites, ou de servir de pilote pour une future télésérie.
Ainsi, alors que presque la majorité des éléments sont laissés en suspens (les poupées à l’effigie des invités, le recrutement, etc.), l’ensemble devient finalement une montée n’existant que pour son punch final qui, comme l’offrait Smile 2, laisse promettre de bien grandes choses, si on a l’audace de pousser les choses plus loin au prochain tour de piste.
Pourtant, il y a de très bonnes scènes (chacune impliquant l’écoute d’une des chansons de Moretti) et on ne s’ennuie pas vraiment au fil de l’écoute, ce qui empêche de complètement en vouloir au film de nous monter un certain bateau ou de s’avérer finalement très mince dans sa critique, qu’on croyait plus acerbe, de l’état du monde moderne (réseaux sociaux, influenceurs, médias imprimés, etc.).
Opus plaît donc, mais ne satisfait que moyennement, son appréciation dépendant d’à quel point les spectateurs voudront s’abandonner à une proposition aussi déconcertante.
6/10
Opus prend l’affiche en salle le vendredi 14 mars.