À l’instar de l’ex-premier ministre canadien Stephen Harper, le président américain désigné Donald Trump semble miser sur l’exploitation des combustibles fossiles, malgré le réchauffement climatique. Cette ressource peut-elle se substituer au bien commun?
Vers la fin des années 1970, les scientifiques employés par la pétrolière Exxon devaient être en mesure de comprendre l’ensemble des changements climatiques et leurs conséquences sur l’environnement. De plus, les dirigeants de la compagnie ont sûrement été mis au courant, soutiennent le président du Rockerfeller Family Fund, David Kaiser et le directeur, Lee Wasserman dans le New York Review of Books du 8 décembre.
Au même moment où les scientifiques de la pétrolière arrivaient à ces résultats, des universitaires ont critiqué la valorisation de la notion de propriété privée à la conférence financée par la National Research Foundation dans la ville d’Annapolis aux États-Unis en 1985. Les chercheurs ont démontré qu’il existe encore de nombreux endroits où les terres, les pêcheries ou les forêts sont gérées « en commun », mentionne le Monde diplomatique de décembre. Des systèmes qui sont souvent efficaces et qui évitent la surexploitation des ressources. Ces recherches remettent en question les fondements du libéralisme puisque ces résultats dévalorisent la notion de propriété privée en tant que meilleur système d’allocation des ressources rares.
Aux États-Unis, le cas des Autochtones peut s’apparenter à ce mode de vie « en commun ». Pour aspirer à une reconnaissance fédérale en tant que nation, trois voies sont possibles : une loi du Congrès, une procédure administrative devant le Bureau des affaires indiennes (BIA), une décision de justice, rapporte l’historienne de l’Université Paris-X-Nanterre, Nelcya Delanoë dans Recherches amérindiennes au Québec de 2015. Puis la nation ne peux avoir d’interruption dans sa lignée et doit satisfaire aux critères suivants : avoir exercé son autorité et son influence depuis 1900, posséder un document gouvernemental qui l’atteste, descendre d’une tribu historique ou de plusieurs, prouver que la majorité de ses citoyens n’est membre que de cette nation et ne pas avoir fait partie des 109 nations victimes de la solution terminale votée entre 1950 et 1964.
Par contre, la reconnaissance fédérale ne garantit pas la protection de l’environnement où les Autochtones exercent cette gestion « en commun ». Souvent, les enjeux de pouvoir et de concurrence économique font monter les enchères créant des situations conflictuelles, poursuit l’historienne. Plusieurs Autochtones et non-Autochtones participent aux puissantes entreprises de l’énergie, dont les gaz de schiste et du jeu, avec les casinos. En 1978, Donald Trump a fait partie de ceux qui ont investi des millions de dollars afin que la nation des Eastern Pequots obtienne la reconnaissance fédérale, un statut qui leur ait été accordé en 2002.
D’après la lecture de huit ouvrages sur la pétrolière Exxon, David Kaiser et Lee Wasserman Rockerfeller Family Fund relatent comment la direction de la pétrolière a orienté le débat public jusqu’au point d’influencer le gouvernement américain à ne pas signer le protocole de Kyoto en 1998. Au fil des décennies, la stratégie a été de mettre l’emphase sur les incertitudes des conclusions scientifiques, créer une fausse contrepartie en exigeant des médias de tenir compte des deux positions, publier des avis dans la page d’éditorial du New York Times et faire de multiples pressions sur le gouvernement et le milieu scientifique.
Benni communi
Présidée par le juriste Stefano Rodotà, la commission créée en 2008 par le gouvernement du président italien, Romano Prodi a défini le « bien commun » de la façon suivante : choses dont dépendent l’exercice des droits fondamentaux et le libre développement de la personne, rapporte le Monde diplomatique de décembre. Par exemple, qualifier l’eau de « bien commun » signifie que tous doit y avoir accès. Ainsi, les juristes italiens ont substitué la propriété publique comme gardienne de l’intérêt général à l’État-providence. Toutefois, le changement de perspective exige davantage de participation citoyenne pour fonctionner.
L’application de cette nouvelle définition du « bien commun » se complique avec une ressource comme le gaz naturel. Gazprom, souvent définie comme « l’État dans l’État » en Russie représente la principale source d’approvisionnement en gaz naturel de l’Union européenne (UE). Par un contrat de vingt à trente ans, le consommateur s’engage à acquérir chaque année une certaine quantité à un prix fixe et s’expose à une amende s’il n’acquiert pas la quantité prévue, rapporte le Monde diplomatique de mai 2015. L’Allemagne a renforcé et sécurisé son approvisionnement de gaz russe depuis 2000. Par contre, la Pologne et les pays baltes ayant une frontière commune avec la Russie ont cherché à diversifier leurs fournisseurs constatant le problème de l’approvisionnement en gaz naturel pendant les conflits ukrainiens de 2006 et de 2014.
Les trois gisements en territoire russe mis en service dans les années 1970-1980 arrivent à maturité, une phase de décroissance de la production va s’ensuivre, note la chercheuse au CNRS du laboratoire Pacte-Edden à l’Université Grenoble-Alpes, Catherine Locatelli.