Les partisans du Deuxième Amendement de la constitution américaine s’expriment fort, mais il semble qu’ils ne représentent qu’une minorité, au pays de l’Oncle Sam: une nouvelle étude révèle que les Américains sont favorables à l’idée de dépenser jusqu’à 100 milliards de dollars pour réduire la violence liée aux armes à feu d’au moins 20%.
Les travaux, publiés dans Proceedings of the National Academy of Sciences, « viennent souligner le désir très répandu pour une intervention plus vigoureuse » des autorités pour contrôler pistolets, fusils et autres armes mortelles, disent les chercheurs.
Toujours selon ces derniers, ce désir de sécurité transcende les lignes de parti.
Selon une enquête menée par les auteurs des travaux auprès d’Américains, 48% des répondants estiment que leur communauté n’est pas à risque de subir un épisode de violence armée, mais plus de la moitié des participants jugent tout de même être inquiets ou incertains à propos du « grave problème » représenté par cette même violence.
Le coup de sonde indique également que 43% des Américains interrogés croient qu’il est au moins un peu probable qu’ils soient eux-mêmes victimes de violence armée au cours des cinq prochaines années.
Par ailleurs, plus du tiers des répondants disent tenir compte des risques de violence armée lorsque vient le temps de choisir un endroit où vivre.
Pour le coauteur de l’étude Marc Jeuland, de l’Université Duke, « comprendre l’entièreté des coûts associés à la violence armée est difficile, parce que ce problème touche les gens de différentes façons. Par exemple, l’impression d’être en sécurité – ou non – influence des décisions quotidiennes, mais aussi à plus long terme, comme les endroits que l’on visitera, à quelle fréquence, ou encore le lieu où l’on souhaitera s’établir ».
Au dire du chercheur, « la crainte de la violence armée a aussi des coûts financiers directs, sous la forme de dépenses pour des systèmes de sécurité, ou encore le coût des traitements suite à des blessures ».
« Il y a également la question du sentiment d’insécurité, ou encore les impacts, en matière de santé mentale, lorsque l’on perd un proche ou des amis lors d’une fusillade ou d’un autre événement lié aux armes à feu. »
Même son de cloche pour le confrère de M. Jeuland, Jens Ludwig, de l’Université de Chicago. « Le montant élevé que le public est prêt à payer, ici, correspond à l’idée que la violence armée est un problème sociétal qui est à l’origine de plusieurs autres enjeux », dit-il.
Et si plusieurs Américains se disent favorables à des politiques pour s’attaquer à la violence armée, Philip J. Cook, un autre des coauteurs de l’étude, précise que les paroles sont gratuites, mais que les gestes, eux, sont coûteux. « Il est facile de dire que l’on souhaite de meilleures enquêtes policières, ou encore des programmes scolaires pour les jeunes défavorisés, s’il n’y a pas de facture en bout de ligne. Nous voulions savoir combien les gens seraient vraiment prêts à payer », a-t-il dit.
Une volonté de financer la prévention
Pour connaître la réponse à cette question, les chercheurs ont demandé aux participants de s’exprimer à propos d’une possible mesure législative, à l’échelle des États, qui gonflerait leurs impôts pour financer des programmes visant à réduire la violence armée de 20%.
« Les réactions, favorables comme défavorables, permettent de déterminer que les inquiétudes à propos de ce type de violence sont répandues », mentionne M. Jeuland. « La plupart des ménages sont prêts à payer une somme importante pour réduire cette menace importante. »
L’étude a révélé que ces ménages étaient prêts à dépenser environ 744 $ US par an, ce qui donnerait un total d’environ 97,6 milliards de dollars américains.
« Certains avantages de la réduction de la violence armée sont tangibles, comme la hausse de la valeur des propriétés et l’accroissement des activités commerciales dans les communautés touchées », indique M. Cook. « Mais d’autres effets positifs, comme la paix d’esprit, la diminution du nombre de traumatismes, et une amélioration de la qualité de vie, sont tout aussi réels. »
Une nouvelle perspective sur la violence armée
Selon les auteurs de l’étude, l’enquête a aussi permis de mieux comprendre les effets de la violence liée aux armes à feu; de précédentes estimations s’appuyaient ainsi sur les coûts directs, comme les soins de santé et les salaires perdus. « Mais cette approche peut passer sous silence l’impact social plus vaste de la violence, comme la peur, les effets dans les communautés, ainsi que l’anxiété vécue par de nombreux Américains, chaque jour », disent-ils.
Comme l’indique M. Cook, « une estimation traditionnelle, effectuée en 2022, a permis d’obtenir un coût de la violence armée moitié moins important que notre montant, tout en démontrant que ce sont les jeunes hommes noirs qui paient la plus grande partie de ces frais. Mais notre étude révèle que des Américains de tous les groupes ethniques et tranches d’âge considèrent que la violence armée est un problème d’ampleur nationale… Et ils ont prêts à payer pour régler le problème ».