Les mêmes caractéristiques physiques qui permettent aux requins de nager aisément, dans nos océans, pourraient aussi permettre aux humains de se déplacer plus rapidement dans les airs, selon un professeur de l’Université du Mississippi. Celui-ci espère que ses travaux lui donneront raison.
Wen Wu, spécialisé en génie mécanique, veut ainsi améliorer la fluidité de l’air lorsqu’il est question de transport aérien, ce qui pourrait aider à réduire la consommation et de carburant, tout en renforçant l’efficacité des avions.
« Les requins sont spéciaux, parce que leurs denticules dermiques sont différents des écailles des autres poissons », indique-t-il.
Ces denticules sont en fait de petites dents qui recouvrent la peau des requins et des raies. En fonction de leur disposition, elles présenteraient une surface lisse aux éléments provenant de l’avant du poisson, notamment l’eau, alors que la surface sera plutôt « rugueuse » dans l’autre sens.
Ainsi, la disposition de ces écailles permettrait de réduire le frottement, et donc d’améliorer l’efficacité énergétique des requins.
Cette idée était si répandue, en fait, que chaque nageur olympique, en 2016, possédait des maillots conçus de façon à ressembler à cet assemblage de denticules.
Une idée démentie
« En fait, lorsque des chercheurs ont vraiment étudié la peau des requins, ils ont constaté que cela ne permet pas de réduire le frottement, dans des conditions normales », précise M. Wu. « Alors, pourquoi les maillots ont-ils fonctionné? En les évaluant en laboratoire, on constate que le tissu ne réduit pas le frottement. Mais il est vraiment serré, alors le maillot recouvre l’ensemble du corps et compresse celui-ci, ce qui le rend plus lisse tout en facilitant la circulation du sang. »
Et donc, comment cela fonctionne-t-il chez les requins? De l’avis de M. Wu, il faut se tourner vers un autre phénomène de la mécanique des fluides qui peut entraîner du frottement, c’est-à-dire la séparation des flots.
Les corps des requins sont ainsi unis de la tête à la queue, et alors que l’eau circule par-dessus cette surface qui va en s’amincissant, elle ne colle pas au corps du requin. En fait, le flot d’eau a tendance à se détacher du corps de l’animal. Pendant des manoeuvres, ces flots d’eau détachés peuvent créer un tourbillon près de la surface du corps du requin.
M. Wu affirme avoir constaté qu’un flot d’eau en sens contraire s’infiltre ainsi sous la tête des denticules et vient pousser contre leur base cylindrique, en utilisant en gros la force de l’eau pour propulser le requin vers l’avant.
Les résultats de ces travaux ont été publiés dans le Journal of Fluid Mechanics.
Selon le collègue de M. Wu, Louis Cattafesta, intégrer ce design dans la construction des avions, des navires et d’autres véhicules pourrait réduire la quantité d’énergie nécessaire, tout en améliorant leur profil aérodynamique.
« Si vous pouvez réduire le frottement, ne serait-ce qu’une fraction d’un point de pourcentage, vous obtiendrez des économies faramineuses en termes d’énergie, et cela vous coûtera donc moins cher de faire voler un avion », dit-il.
« En plus, il y a l’avantage d’avoir des émissions polluantes et un impact climatique moindres. »
Pour la suite de leurs travaux, les deux chercheurs prévoient effectuer des simulations de l’efficacité de ce type de matériaux inspirés par les denticules, en fonction des conditions atmosphériques.