Et si les femmes étaient autant, sinon plus, responsables de la force de la société viking? Et si leur apport à l’histoire avait été judicieusement gommé par un sexisme et une misogynie malheureusement répandus? C’est là la position mise de l’avant dans la pièce Viqueens: saga nordique, présentée à la salle Jean-Claude-Germain du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui.
Julien est un mascu. Non pas l’un de ces grands frustrés qui pullulent sur les réseaux sociaux et sur les ondes de certaines radios, tous remontés qu’ils sont, et qui tentent de convaincre d’autres hommes d’être eux aussi en colère. Mais plutôt l’un de ceux qui ont peur d’être jugés, qui ne savent pas trop comment agir, et qui décident donc de suivre le troupeau et d’agir comme des idiots.
N’ayons pas peur des mots, en fait: Julien est un idiot. Transporté dans le temps, à une époque lointaine – après avoir uriné sur une pierre magique, rien de moins –, le voilà jugé comme étant l’élu, celui qui défendra les viqueens contre le retour des hommes sanguinaires (et velus).
Mais Julien n’est pas vraiment l’élu. Il n’a certainement pas de superpouvoirs, même s’il commence par se croire dans un jeu de rôle grandeur nature et prend une voix particulièrement bourrue pour présenter son personnage de… boulanger magicien armé de sa baguette du destin.
Devant lui, trois viqueens de légende, possédant de véritables pouvoirs, et qui lui montreront rapidement que ses certitudes de mâle supposément alpha ne tiennent en fait que sur du vide.
La chose est déjà un peu jouissive en elle-même, malgré l’aspect un peu facile de la chose – après tout, quel mascu convaincu ira au théâtre, voir une pièce intitulée Viqueens, qui plus est? –, mais le texte de Laurie Léveillé est particulièrement efficace pour déconstruire les propos toxiques, tout en offrant une bonne dose d’humour pour détendre l’atmosphère.
Ainsi, on garde bien souvent le doigt sur la gâchette des gags, mitraillant ici et là le public avec des références multiples, des sous-entendus, des clins d’oeil et toutes sortes d’autres moments qui permettent d’éviter que le spectateur ne s’ennuie. Pas question de reprendre son souffle, il faut sauver une terre de légende… et rigoler au passage des jeux de rôle, ou encore des histoires fantastiques qui se prennent trop au sérieux.
Pendant 90 minutes, Viqueens fait donc un peu feu de tout bois, les quatre interprètes présents sur scène étant généralement particulièrement efficace pour combiner destins inéluctables et références à divers phénomènes socioculturels d’ici.
On regrettera peut-être une mise en scène quelque peu statique, nos héroïnes consacrant beaucoup de temps à demeurer largement immobiles pour expliquer le fonctionnement du monde dans lequel on se trouve, mais du reste, ce parcours initiatique est juste assez chaotique pour nous garder le sourire aux lèvres jusqu’à la fin.
Efficace, rigolote, et surtout capable d’une introspection qui fait franchement du bien, Viqueens: saga nordique est une oeuvre combinant fort efficacement l’humour et les réflexions sociales. Le genre de pièce qui fait franchement du bien, dans les circonstances actuelles.
Viqueens: saga nordique, de Laurie Léveillé, mise en scène de Laurence Laprise (aidée de Laurie Léveillé)
Avec Isabeau Blanche, Élodie Maher, Saslly Sakho et Thomas Derasp-Verge
Au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 16 février