Des inconnus invités à participer à ce qui semble être une simple séance de jeu en groupe, mais qui tourne rapidement à la lutte de pouvoir et au conflit: pour son oeuvre Il fera trop froid, l’auteur et metteur en scène Thomas Duret propose une réflexion sur le leadership et sur la pente glissante vers le contrôle, voire le totalitarisme. Rencontre.
« La première idée date de 2017, quand j’avais envie de travailler sur des manifestes d’hommes politiques fascistes, puis de proposer un contraste avec cela en mettant en scène des jeux de camp de jour », explique M. Duret en entrevue.
« Simplement pour le plaisir de voir ce que cela donne, sur scène, lorsque je réunis deux esthétiques complètement différentes. »
Selon M. Duret, « nous nous sommes rendu compte que le résultat était quand même assez intéressants, parce que certaines choses s’imbriquent assez bien, entre elles; oui, nous jouons à des jeux de camp de jour, oui nous avons des extraits de textes fascistes que j’avais sélectionnés… ».
Ainsi, en perdant un jeu, les participants recevaient une punition physique, soit l’obligation, par exemple, d’effectuer des push-ups. « Nous nous sommes rendus compte que cela donnait quelque chose d’intéressant, et j’ai voulu poursuivre cela », mentionne l’auteur et metteur en scène.
Il aura toutefois fallu plusieurs années avant de non seulement parvenir à la version actuelle du texte de la pièce, mais aussi pour obtenir le financement nécessaire à la présentation de l’oeuvre.
Ironiquement, reconnaît M. Duret, entre sa première version de son idée théâtrale et la proposition qui sera offerte aux spectateurs du 21 janvier au 1er février prochain, à la Cité des hospitalières, Donald Trump aura eu le temps de compléter son premier mandat présidentiel, de perdre contre Joe Biden, puis de revenir au pouvoir. Un moment idéal, donc, pour parler de l’influence du fascisme dans la société et de la facilité avec laquelle ce courant extrémiste peut gagner des adeptes et sembler soudainement fort attrayant pour l’individu moyen.
« Une dynamique particulière »
Toujours selon M. Duret, sa proposition a ceci d’intéressant « qu’il y a quelque chose de plus, en dehors du texte, qui mérite d’être travaillé ». Une « dynamique particulière » qui apparaît quasiment spontanément, lorsque vient par exemple le temps de distribuer des points à la fin de l’un de ces jeux de camp de jour. Au-delà des textes, les acteurs semblent se prendre rapidement au jeu pour tenter de l’emporter, dit-il.
« La prémisse consiste à voir comment des tensions, des discours et des idéologies peuvent naître à partir de presque rien », mentionne encore Thomas Duret.
Le fait de présenter le spectacle, qui se déroule dans une salle communautaire, dans l’une des salles communautaires, justement, de la Cité des hospitalières, n’est pas non plus un hasard. M. Duret souligne ainsi avoir voulu présenter son oeuvre in sitù, en-dehors des salles traditionnelles. Sans aucun doute pour mieux placer les spectateurs dans l’ambiance de sa création, d’abord, mais aussi, dit-il, pour garder vivante cette idée de pouvoir présenter de l’art partout, tout le temps.
Cette volonté de sortir un peu des sentiers battus vient avec un coût plus élevé, reconnaît par ailleurs l’auteur et metteur en scène. S’éloigner du cadre de diffusion traditionnel des oeuvres théâtrales fait en sorte qu’Il fera trop froid ne coche pas toutes les cases permettant d’obtenir du financement, par exemple. Et dans un milieu déjà exsangue, M. Duret dit craindre la disparition de ce théâtre un peu sauvage, de cette possibilité de faire éclater les « murs » qui contiennent habituellement les pièces de théâtre.
À l’aube de la deuxième présidence Trump, et dans le contexte d’effritement généralisé de nos démocraties, Thomas Duret cherche encore et toujours à comprendre ce poison qui semble si aisément trouver le chemin de nos veines.
Il fera trop froid, écrit et mis en scène par Thomas Duret
À la Cité des hospitalières, du 21 janvier au 1er février