Après une finale explosive, lors de la première saison, et une (très) longue attente avant la suite de cette histoire aussi abracadabrante que fascinante, la deuxième fournée des épisodes de Severance est enfin à notre portée. Et convenons-en tout de suite: si Ben Stiller et compagnie agissent encore un peu comme des gredins, en offrant autant de réponses que de nouvelles questions, le produit final cimente la réputation de la série comme étant de la grande, voire très grande télévision.
Après avoir réussi à court-circuiter le mécanisme séparant les consciences (et les mémoires) des personnes travaillant au sein de la sinistre entreprise Lumon et celles existant en dehors du travail, nos protagonistes sont de retour au sein de cet étage « séparé » où le travail est « mystérieux et important », chacun pour ses raisons personnelles.
L’un veut tenter de faire la lumière sur une soi-disant disparition; l’autre veut éclaircir le mystère d’un sombre corridor qu’il voit jusqu’en rêve. Quant à la femme du groupe, eh bien, les choses sont plus complexes.
L’intérêt de Severance reposant notamment sur la surprise – et surtout sur les détours scénaristiques parfois complètement improbables –, difficile de résumer l’intrigue de cette nouvelle saison. Difficile, même, de résumer concrètement le scénario des neuf premiers épisodes! Ce qu’il est possible de faire, cependant, c’est d’affirmer que Mark S. et ses collègues de travail tâcheront, une fois de plus, de comprendre l’objectif ultime de Lumon, une compagnie mêlant productivité à tout prix et une structure tenant davantage du culte que de la multinationale.
L’attrait de cette série, qui mêle l’absurdité d’une comédie sombre à une complexité scénaristique que l’on retrouvait parfois dans le Lost des belles années, entre autres, tient justement à cet équilibre plus que fragile. Il y a de ces moments où l’on se dit que nos protagonistes seraient entièrement désillusionnés par cette version extrême d’un Microsoft ou d’un Facebook où l’on a injecté du fondamentalisme religieux dans une quête effrenée du profit.
Mais, dans la minute qui suit, on nous propose quelques miettes de réponses, ou l’on soulève une série de nouvelles questions, questions qui garderont nos personnages à l’intérieur de cet enfer aux allures de bureau à aire ouverte mâtinée de réunions d’équipe insipides, mais aussi les spectateurs sur le bout de leur siège.
Saluons aussi, cette année, l’intérêt particulier accordé à la question de l’identité de ces personnes à la personnalité dédoublée. Leur version au travail est-elle une personne à part entière? Qu’en est-il de la conscience? Et y a-t-il une âme, quelque part là-dedans? Que se passe-t-il lorsqu’une personne perd son travail? Assassine-t-on quelqu’un en le congédiant?
Cet examen des considérations philosophiques liées à cette dissociation représente une surprise franchement agréable dans une série où il y a déjà eu l’équivalent des rapports trimestriels, de la manipulation à qui mieux mieux, mais aussi un bar à melon et des chevreaux.
Si l’on reste quelque peu sur sa faim – mais il faut apparemment étirer le plaisir –, la deuxième saison de Severance vient consacrer cette télésérie comme ce qui est certainement la meilleure offre d’Apple TV+ sur le petit écran, et comme l’une des grandes oeuvres télévisuelles des dernières années, toutes plateformes confondues. Du grand art que l’on doit apprendre à déguster, pour prolonger ces instants savoureux.