Les univers cruels, impitoyables et violents… Tout cela est bien connu du réalisateur JC Chandor. Kraven the Hunter est-il une réussite pour autant? Disons que l’objet est fascinant à ses heures, mais régulièrement pour les mauvaises raisons, un peu comme nous y ont habitués les créations Marvel de Sony, depuis quelques années.
À l’instar du Aquaman and the Lost Kingdom qui marquait la fin d’une époque, ce qui pourrait vraisemblablement être le cas ici, cet objet inusité semble avoir été conçu avec l’espèce de je-men-foutisme qui a constitué les dérivés cinématographiques des vilains de l’univers de Spider-Man, sans le super-héros en question.
À titre de rappel, on mentionnera sans mal les nombreux Venom, Morbius et bien sûr le Madame Web sorti plus tôt cette année. Des films ayant fait leurs frais, mais aussi fait jaser, et pas nécessairement pour les bonnes raisons.
Pour cette troisième proposition de l’année dans cet univers, on avait espoir de quelque chose de plus consistant avec la présence au générique du réalisateur JC Chandor, à qui l’on doit les brillants Margin Call et A Most Violent Year, mais aussi d’une distribution à nouveau prestigieuse. À l’exception d’Aaron Taylor-Johnson, tout en abdos et en muscles dans le rôle-titre, mais toujours aussi mauvais qu’à son habitude, et encore plus risible lorsqu’il se met à hurler.
C’est d’autant plus frappant lorsque le surdoué Levi Miller, qui interprète son personnage lorsque celui-ci est plus jeune, fait montre de plus de nuances et de talent.
Et bon, la majorité des comédiens qui entourent l’interprête principal font eux aussi preuve d’une meilleure capacité… Eh bien, à jouer. On apprécie ainsi la présence de ces acteurs, de Russell Crowe à Alessandro Nivola, en passant par Christopher Abbott qui ont tous un plaisir évident à jouer un peu n’importe quoi.
Même Fred Hechinger semble encore en train de jouer dans Gladiator II, interprétant presque à la lettre ce personnage de petit frère que personne ne prend au sérieux.
On sent d’ailleurs que le scénario écrit par Richard Wenk, grand habitué des films d’action à la testostérone dans le tapis, comme The Mechanic et autres The Equalizer, semble promouvoir les mêmes idéaux que Ridley Scott, en essayant de prôner la véritable masculinité, la vraie définition de ce qui qualifie les vrais hommes. Ceux-là qui se battent pour leur survie et ne font jamais montre de signes de faiblesse.
Risible, cette idéologie passe un peu dans le tordeur du regard minutieux de Chandor, qui s’assure d’inclure une présence féminine forte en la personne de la toujours charismatique Ariana DeBose. On doit admettre que Wenk avait aussi tâté le terrain précédent avec son mésestimé The Protégé, qui avait permis à Maggie Q de renverser un peu la vapeur et les clichés.
Sauf que les bons coups s’arrêtent pas mal là, si ce n’est de quelques images satisfaisantes de Ben Davis, ou la trame sonore énergique à ses heures de Benjamin Wallfisch, en collaboration avec les régulièrement géniaux Evgueni et Sacha Galperine.
Dans une histoire convenue et continuellement prévisible (sauf dans son ridicule, comme lorsque Nivola se met à gémir sans raison, par exemple) qui essaie de mélanger les éléments des bandes dessinées tout y tissant ses propres liens et ses propres motivations, on se perd dans le mélangeur en essayant de décoder les raisons des pourquoi qui font plus rigoler qu’autre chose. On pense entre autres à l’insertion d’une phobie des araignées pour le protagoniste, qu’elle provienne véritablement ou non de la source, qui fera plus grincer des dents que d’autre chose.
Il y a aussi que Kraven, contrairement à Venom, est loin d’être le méchant le plus excitant de l’univers de l’homme-araignée, raison probable pourquoi on ne l’a jamais inclus dans les adaptations cinématographiques jusqu’à présent. On a beau essayer d’y insérer aussi le Rhino et le plus inusité The Foreigner, on ne rehausse pas tant le niveau, alors que l’une des portes scénaristiques les plus intéressantes n’est ouverte que vers la toute fin, probablement pour des suites qui ne verront jamais le jour.
On est alors laissé avec un produit fourre-tout qui ne tire pas profit de ses filons intéressants, comme le crime par le biais de la famille, ainsi que l’héritage familial qu’on peut laisser positivement ou négativement. Des thématiques qui ne sont pas étrangères à Chandor, mais que ne renierait pas un certain James Gray, non plus.
Que les acteurs parviennent néanmoins à garder un certain sérieux dans toute cette entreprise relève de l’exploit, les postures « animales » de notre personnage principal ayant de quoi faire rire aux éclats. Comme quoi, au moins pour les spectateurs, il reste de ce Kraven the Hunter quelque chose de marrant, entre plusieurs scènes d’action tout de même bien huilées.
5/10
Kraven the Hunter prend l’affiche dès aujourd’hui en salle.