Des femmes qui pratiquent des avortements clandestins. Des femmes enceintes qui sont terrifiées. Des politiciens opportunistes et hypocrites qui manient la langue de bois comme pas un lorsque vient le temps d’entourlouper la population… Sommes-nous aux États-Unis? Ou au Canada sous les conservateurs? Non, nous sommes au théâtre.
Présentée pour la première fois au début de 2023, en raison d’un report provoqué par la pandémie, Clandestines, écrite par Marie-Ève Milot et Marie-Claude St-Laurent, semble douloureusement presciente. Après tout, les voix antiavortement sont toujours bien présentes, dans nos sociétés, et le durcissement à tendance autoritaire du discours des politiciens fait parfois craindre le pire.
C’est dans cette atmosphère franchement délétère que nous faisons connaissance avec ces deux femmes, amies de longue date, qui, pendant une bonne partie de la pièce, pratiquent donc des avortements de fortune, littéralement sur la table d’une cuisine.
Le texte de l’oeuvre, récemment publié chez Somme toute, se lit presque comme le journal d’une résistance féministe face à la chape de plomb d’un État aux accents totalitaires. Au nom de la protection de la santé, on a ainsi grignoté, peu à peu, le droit à l’avortement. Et comble de l’absurde, bien des femmes sont tout à fait heureuses de céder leurs libertés au nom d’un quelconque ami imaginaire.
Dure, angoissante, voire particulièrement anxiogène, surtout dans la foulée de la réélection de Donald Trump, dont l’opportunisme religieux n’a d’égal que sa tendance à vouloir pourtant ressembler aux marchands du Temple, Clandestines a des allures de brûlot qui prend aux tripes. On s’interroge peut-être un peu sur la facilité d’enchaîner les courtes scènes se déroulant à divers endroits, en deuxième partie, mais autrement, l’oeuvre est parfaite pour nous faire prendre conscience de l’importance de la mobilisation et de la fragilité des acquis sociaux.
Clandestines, de Marie-Ève Milot et Marie-Claude St-Laurent
Publié chez Somme toute – La scène, 217 pages