Des entreprises offrent aux nouveaux parents d’entreposer le sang du cordon ombilical de leur bébé, telle une police d’assurance contre des maladies qui pourraient survenir plus tard. Les chances d’y avoir recours restent toutefois excessivement minces, a constaté le Détecteur de rumeurs.
Banques de sang de cordon: ce qu’il faut savoir
Le sang des cordons ombilicaux est une excellente source de cellules souches, c’est-à-dire des cellules qui sont à l’origine de toutes les cellules de notre corps. Celles-ci sont plus précisément appelées cellules souches hématopoïétiques, soit celles qui, chez le futur bébé, étaient à l’origine des cellules sanguines. C’est ce qu’explique Santé Canada, qui règlemente les banques de sang de cordon au Canada.
Ces cellules souches peuvent donc, en théorie, être utilisées pour soigner certaines conditions comme des maladies du sang et du système immunitaire, de même que certains cancers et maladies génétiques, expliquaient en 2021 des chercheurs canadiens dans un article sur l’industrie des banques privées de sang de cordon.
C’est dans cette perspective qu’il est possible, depuis longtemps, de recueillir puis entreposer le sang de cordon pour réaliser éventuellement des greffes. Le Royaume-Uni a institué un tel programme dès 1996, le Québec a le sien depuis 2004, le Canada a créé un programme pan-canadien en 2013.
Ces prélèvements peuvent être conservés dans une banque publique ou privée. Les premières sont gérées par des agences gouvernementales et ne facturent pas pour entreposer les cellules. Quant aux banques privées, elles sont plutôt des organismes à but lucratif. L’entreposage du sang de cordon requiert un paiement initial d’environ 1000 $, suivi de 125 $ par année, rapportaient les chercheurs canadiens. Les cellules qui y sont conservées sont réservées à l’enfant ou à des membres de sa famille.
Les avantages théoriques du sang de cordon
Les cellules souches du sang de cordon ont certains avantages par rapport à celles que contient aussi la moelle osseuse, écrivait le Collège américain des obstétriciens et gynécologues (ACOG) dans son document de principe reconduit en 2023. Comme le système immunitaire d’un nouveau-né est immature, ces cellules ont plus de chances d’être compatibles avec la personne greffée que celles recueillies dans la moelle osseuse d’un adulte, souligne Santé Canada. Elles risquent donc moins de provoquer un rejet chez le receveur.
De plus, les cellules du sang de cordon ombilical auraient un certain potentiel en médecine régénérative, spéculait David Allan, de l’Université d’Ottawa, dans un texte publié en 2020 dans la revue Stem Cells (cellules souches). Des études sont en cours pour le traitement de la paralysie cérébrale, du diabète de type I et II, de l’autisme, de l’Alzheimer et des blessures à la moelle épinière, énumérait en 2022 l’infirmière de l’Alabama Renece Waller-Wise, dans un article s’adressant aux éducatrices périnatales.
La réalité sur le terrain
Il y a également longtemps que des critiques quant à l’utilité de ces initiatives sont émises. Et jusqu’à présent, les résultats sont peu concluants, écrivait en 2017 l’Académie américaine de pédiatrie (AAP). Seul le traitement de la paralysie cérébrale et le diabète de type I a été testé plus sérieusement, ajoutait David Allan en 2020. Et même alors, il s’agit de petites études et davantage de recherche sera nécessaire avant d’utiliser cette approche.
Des études réalisées par des chercheurs canadiens en 2020 et en 2021 remarquaient d’ailleurs que les entreprises qui faisaient la promotion du recours aux banques avaient tendance à exagérer les bénéfices du sang de cordon.
Quelques essais cliniques ont aussi été réalisés pour l’autisme (2017 et 2019) et les blessures de la moelle épinière (2016), mais sans groupe contrôle. Pour cette raison, l’ACOG concluait dans son document de 2023 qu’il n’y a pas suffisamment de données pour soutenir, à l’heure actuelle, le recours au sang de cordon en médecine régénérative.
Des banques peu utilisées
Par ailleurs, même lorsqu’il est question de maladies pouvant être traitées par une greffe de cellules de sang de cordon, le recours à une banque privée n’est pas nécessairement avantageux. En effet, si un enfant développe un cancer, il ne pourra pas utiliser son propre sang de cordon, parce qu’il contient déjà des cellules précancéreuses, fait remarquer la Société canadienne du sang. C’est aussi le cas pour les maladies génétiques, puisque les cellules souches du bébé possèdent les mêmes défauts dans leur ADN, selon l’ACOG.
De plus, après un certain âge, un enfant ne peut pas être traité uniquement avec son sang de cordon, puisqu’il est rare qu’une seule unité renferme suffisamment de cellules souches, note Santé Canada. À titre indicatif, seulement 8 à 12% des unités de sang de cordon contiennent assez de cellules pour soigner une personne de 80 kg, estime l’ACOG.
Résultat, les probabilités qu’un enfant ait recours dans le futur à ses propres cellules de sang de cordon sont de 1 sur 250 000 à 1 sur 20 000, estime Santé Canada. Ce sang aurait toutefois 1000 fois plus de chances d’être utilisé s’il est entreposé dans une banque publique, juge David Allan.
Des normes de qualité qui diffèrent
Il ne faut pas perdre de vue que le sang de cordon ombilical entreposé doit être d’excellente qualité pour assurer la sécurité du patient qui recevra la greffe, soulignait en 2017 l’AAP. C’est pourquoi les banques publiques, à travers le monde, s’imposent des normes sévères. D’après les études consultées par l’AAP, seulement 25 à 40 % des unités de sang de cordon prélevées sont jugées d’assez bonne qualité pour être stockées dans les banques publiques. Par exemple, si la quantité de cellules n’est pas suffisante ou si l’échantillon n’est pas stérile, l’unité est jetée.
Les banques privées font l’objet d’un moins bon contrôle de qualité et adhèrent à des standards moins élevés. Elles conservent toutes les unités qui sont recueillies, mentionnait l’AAP. De plus, elles utilisent des procédures moins coûteuses qui augmenteraient les risques de contaminations bactériennes et qui diminueraient la qualité des cellules, selon des chercheurs américains dans une étude publiée en 2010.
La Société des obstétriciens et gynécologues du Canada et la Société canadienne de pédiatrie recommandent plutôt de faire un don de sang de cordon ombilical à une banque publique. En fait, le seul cas où une famille pourrait envisager d’avoir recours à une banque privée est lorsqu’un membre de la famille est déjà connu pour avoir une condition traitable par une greffe de sang de cordon.
Verdict
Les probabilités d’avoir recours au sang de cordon ombilical entreposé dans les banques privées sont très faibles. Ce qui explique en partie que, selon les grandes associations médicales, il n’existe pas de données scientifiques pour appuyer l’utilisation de ces banques privées. Il est de plus recommandé de faire don du sang de cordon à une banque publique.