Une pauvreté « près de trois fois plus importante » dans les pays touchés par des conflits qu’ailleurs: voilà le bien triste constat effectué par des chercheurs du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et l’Oxford Poverty and Human Development Initiative (OPHI), dans le cadre d’une nouvelle étude sur les nations dévastées par la guerre.
Selon ces spécialistes, quelque 455 millions de personnes pauvres vivent ainsi dans des régions exposées à des conflits violents, ce qui nuit, voire renverse les progrès durement réalisés dans la lutte contre la pauvreté. Ces constatations sont incluses dans la plus récente publication de l’Indice de pauvreté multidimensionnelle.
Au total, c’est 1,1 milliard de personnes qui vit dans une situation de pauvreté importante, à l’échelle du globe. De ce nombre, 40% vit dans des pays exposés à la guerre, à une situation fragile, où à des tensions élevées.
Selon la professeure Sabina Alkire, directrice de l’OPHI, « cette étude fournit la première analyse mondiale, à cette échelle, du nombre de personnes souffrant de pauvreté multidimensionnelle vivant dans ce genre de conditions ».
En vertu de la définition de la Banque mondiale, la pauvreté multidimensionnelle concerne trois aspects de la vie en société, soit la pauvreté financière, le mauvais accès aux services d’éducation, et le fait de ne pas pouvoir s’appuyer sur des infrastructures de base fiables, notamment pour obtenir de l’électricité, ou encore un accès à l’eau courante et à un service d’aqueduc.
Toujours au dire de la Pre Alkire, « nous avons constaté que le niveau de pauvreté, dans les régions touchées par des guerres, est bien plus important ». La chercheuse précise que dans ces pays, « plus d’une personne sur trois (34,8%) souffre de pauvreté, alors qu’ailleurs, on parle plutôt d’une personne sur neuf (10,9%) ».
« Et malheureusement, la réduction de la pauvreté est ralentie dans les régions affectées par des conflits, ce qui signifie que les pauvres, dans ces pays, sont laissés à eux mêmes en partie ou en tout. Ces données nécessitent une réponse claire: nous ne pouvons pas mettre fin à la pauvreté sans investir dans une paix durable et positive. »
Des pays très durement touchés
Toujours selon l’étude, on a ainsi constaté, dans les pays en guerre, des privations plus importantes pour l’ensemble des 10 indicateurs de la pauvreté multidimensionnelle, tels que définis par l’ONU, « ce qui souligne l’impact dévastateur des conflits sur les populations les plus vulnérables de la planète », écrit-on.
Ainsi, on a constaté que dans ces pays:
- Les taux de mortalité infantile étaient près de huit fois supérieurs chez les pauvres (8,0% contre 1,1%);
- Plus d’une personne pauvre sur quatre n’a pas accès à l’électricité, comparativement à seulement 1 personne sur 20 dans les régions stables;
- L’accès à l’éducation, pour les enfants membres de familles pauvres, est quatre fois plus difficile;
- Les pauvres ont jusqu’à trois fois moins de chances d’accéder à une alimentation suffisante.
Le rapport s’intéresse notamment à l’Afghanistan, où 5,3 millions de personnes supplémentaires sont tombées dans la pauvreté multidimensionnelle entre 2015-2016 et 2022-2023. Dans la foulée de la fin de la guerre et du retour des talibans au pouvoir, en 2022-2023, près des deux tiers de la population (64,9%) vivaient dans la pauvreté, affirme-t-on.
« Les conflits ont gagné en intensité et se sont multipliés au cours des dernières années, menant à de nouveaux sommets en matière de victimes, ont déplacé un nombre record de gens, et entraîné des impacts radicaux sur les vies de millions de gens », a soutenu Achim Steiner, administrateur au sein de l’UNDP.
« Nos nouveaux travaux de recherche démontrent que nous devons accélérer les actions pour soutenir les vies des gens souffrant de pauvreté multidimensionnelle. Nous avons besoin de ressources et d’un accès pour le développement spécialisé, ainsi que des interventions hâtives pour aider à briser le cycle de pauvreté et de crises. »
Par ailleurs, les chercheurs ont constaté que la moitié du 1,1 milliard de personnes pauvres est composée d’enfants; à l’échelle mondiale, c’est plus d’un enfant sur quatre qui vit dans la pauvreté, contre un peu moins de 15% des adultes.
La quasi-totalité des pauvres a aussi des problèmes d’accès à des systèmes sanitaires décents, à un logement, ou encore à du combustible permettant de cuisiner.
De plus, au-delà de la moitié des personnes pauvres vivent avec une personne qui souffre de la faim, soit 637 millions d’individus.