« We didn’t start the fire »… Les paroles de la chanson de Billy Joel résonnent étrangement en tête alors qu’Henry, un quadragénaire aux larges épaules et aux mains de bûcheron, arpente les sentiers d’une réserve naturelle du Wyoming dans Firewatch, un jeu développé par le studio Campo Santo et édité par Panic. Le titre est disponible depuis le 9 février.
L’analogie avec les flammes va de soi: elle évoque d’abord le boulot estival d’Henry, chargé de détecter et de signaler les feux de forêt dans cet endroit isolé, mais aussi cette énergie, cette pulsion de vie qui se dégage peu à peu de ce court exercice d’exploration et de découverte.
Confronté à une épouse atteinte de démence à un jeune âge, Henry, épuisé par la dégradation de l’état de santé de sa Julia, trouve donc ce poste de « surveillant forestier », qui consiste principalement à attendre que quelque chose se passe. En communication avec Delilah, sa superviseure installée dans une lointaine tour de guet, il se voit confié diverses tâches allant de l’inspection d’un campement où des adolescentes lancent des feux d’artifice à la recherche de traces d’un ours.
À travers un décor superbement coloré et défini, un mélange entre le cell shading et le dessin animé, ce travail de surveillance prend rapidement une tournure mystérieuse, puisque les quartiers d’Henry sont mis sans dessus-dessous, et que l’on comprend rapidement que le quadragénaire et Delilah, avec qui il se découvre des atomes crochus, sont espionnés jour et nuit.
Sur fond d’aventure et de tension, les couleurs orangées et bleutées du coucher de soleil deviennent le prélude à une respiration hachurée, à un coeur qui bat un peu plus vite. Nul ne sait, en effet, ce qui attend le joueur au détour d’un buisson, ou dans cette étrange caverne dont la clé a été égarée il y a plusieurs années de cela. Des notes laissées dans des boîtes cadenassées et des fiches signalant la disparition d’un individu, quelque temps auparavant, contribuent elles aussi à créer une atmosphère non pas de peur brute, mais d’inquiétude. Tout comme les flammes d’un gigantesque brasier qui finit par se déclarer au cours de l’été, l’incertitude gagne peu à peu du terrain dans ce parc où le joueur est constamment seul, à l’exception de quelques silhouettes brièvement aperçues, ou de la voix de Delilah.
À la fin du jeu, environ trois heures après le début de cette aventure, force est de constater que Firewatch est certainement un divertissement plus qu’agréable. Visuellement époustouflant, disposant de mécaniques ludiques solides, et surtout d’une structure narrative impressionnante, avec une performance impeccable de la part des acteurs derrière les voix d’Henry et de Delilah. On aurait certes apprécié un tout petit peu plus de travail en termes de finition, le jeu affichant quelques artefacts visuels, comme un livre flottant dans les airs, ou présentant des lignes de dialogue ne correspondant pas aux choix effectués par le joueur. On finit aussi, à force de parcourir l’endroit dans tous les sens, par « faire le tour » de la portion du parc où se déroule l’aventure. Aller du nord-ouest au sud-est, puis revenir sur ses pas, par exemple, peut s’avérer légèrement agaçant.
En un sens, Firewatch est un jeu « réaliste »: il n’y a pas vraiment de grande finale avec des explosions à gogo, ou de confrontation ultime avec le « méchant ». Henry quitte le parc en ayant résolu un mystère, certes, mais la question sous-jacente au jeu, le sujet du deuil, le dilemme qui déchirait déjà le personnage avant de véritablement commencer à jouer, tout cela est bel et bien toujours là tandis que défile le générique de fin. Il est difficile de donner plus de détails sans gâcher une partie du plaisir, mais Firewatch n’apporte pas toutes les réponses, et si cette façon de faire provoque une certaine frustration, une réflexion subséquente force à reconnaître que cette méthode est plus intéressante que la solution de facilité.
Firewatch est disponible sur PlayStation 4 et Steam.
Un commentaire
Pingback: Draugen – Un fjord, un village, bien des secrets - pieuvre.ca