La La Land ne transcende peut-être pas les références auxquelles il aspire, mais cela ne l’empêche pas d’enchanter de son début jusqu’à sa toute fin, transformant rapidement ses beaux délires en l’offrande la plus magique de toute l’année cinématographique.
La passion et la dévotion coulent dans les veines de Damien Chazelle qui, du haut de ses 31 ans, se sera imposé à Hollywood comme un maître des émotions brutes, mais aussi comme porteur du rêve dans son sens le plus littéral et véritable. Avec son troisième long-métrage, à peine deux ans après avoir foutu toute la galerie au plancher avec l’inoubliable Whiplash qui s’est emmitouflé de ses deux prix à Sundance jusqu’à ses trois statuettes dorées aux Oscars, disons que le jeune cinéaste n’a pas perdu de temps pour pousser ses ambitions encore plus loin.
Plus carte postale, La La Land ne se nourrit probablement pas de la même intensité que le film précédent du réalisateur, ni même des suspenses dont il a l’habitude de participer au scénario tel le plaisir coupable qu’était Grand Piano et le merveilleux 10 Cloverfield Lane qu’on a apprécié plus tôt cette année, mais il a ce je-ne-sais-quoi qui fait pétiller les pupilles et fait battre les cœurs plus rapidement. Du moins, pour les amoureux de l’âge d’or d’Hollywood et des comédies musicales plus particulièrement dans ce qui est bien plus qu’une simple déclaration d’amour.
Comme quoi, d’une année plus déterminée que jamais à faire revivre la belle époque d’Hollywood de Hail, Caesar! à son meilleur jusqu’à Rules don’t apply dans son plus oubliable, c’est La La Land qui ressort avec l’expérience la plus mystifiante, ce, même s’il se déroule dans nos années beaucoup plus modernes. C’est que les références de Chazelle ne s’entichent pas de cameos ou de name dropping, mais se font plutôt dans le style, l’ambiance, les couleurs et les types de danses et de chansons qu’il nous balance au visage sans aucune gêne, multiples clins d’œil dont on essaiera de garder la surprise.
Il faut dire que la scène d’ouverture en jette. De voir tous ses conducteurs chanter et danser à l’unisson en plein embouteillage sur l’autoroute donne déjà le ton et le nombre de frissons que le long-métrage saura nous procurer tout du long, convaincu qu’il y a possibilité de trouver beauté et poésie dans ce qu’il y a de plus ordinaire. De plus, la caméra virevoltante priorise les longs plans magnifiques capturés par Linus Sandgren dans une mise en scène calculée au quart de tour et où le montage de l’oscarisé Tom Cross sait toujours à quel moment couper et quelles images prioriser.
Bien sûr la deuxième moitié ralentit le tempo dans tous les sens du terme et laisse l’histoire l’emporter sur le genre, tout comme le penchant beaucoup plus dramatique et émotif, se montrant d’une façon un peu moins intéressante que la veille, moins portée par les chansons ou même par les engageantes chorégraphies de Mandy Moore (à ne pas confondre avec l’actrice). Au moins le dosage judicieux de silences et des étourdissantes compositions et mélodies de Justin Hurwitz continuent d’enchanter sans mal.
Certes, les réflexions sur les rêves de jeunesse, l’aspiration à une vie meilleure, le dilemme entre le succès et ses véritables désirs ne sont jamais inintéressantes, et ce même si les dialogues motivants sont par moment un peu appuyés. De plus, si Ryan Gosling est aussi charismatique qu’à ses habitudes et que Emma Stone pousse son incroyable talent une coche plus haute, en plus d’une indéniable chimie entre les deux pour cette troisième collaboration, Chazelle se contente de leurs propres attributs sans vouloir les transformer en quelque chose qu’ils ne sont pas. Gosling n’est donc pas le nouveau Gene Kelly à défaut d’en emprunter des tiques ici et là, rappelant du Stephen Sondheim à d’autres moments, et on ne prétend jamais que l’un ou l’autre soit de véritables chanteurs ou mêmes danseurs.
C’est peut-être dans la même optique que l’inclusion douteuse de John Legend blesse un peu. Si des cas récents beaucoup plus convaincants comme Janelle Monae ou même Adam Levine dans le Begin Again qui s’entiche du même début narratif que La La Land, ont prouvés sans mal qu’avec le bon gabarit de bons artistes musicaux avaient certainement ce qu’il fallait pour jouer devant la caméra, il en est moins le cas pour Legend qui représente de loin le maillon faible du film, ne cadrant ni physiquement ni musicalement dans l’univers de La La Land alors qu’il joue une version éthérée de lui-même dont on se fiche un peu. Dans les courts moments d’écran, le cameo de J.K. Simmons et la jolie mine de Rosemarie DeWitt seront davantage mieux accueillis.
Également, en utilisant les saisons façon Another Year ou (500) Days of Summer, niveau romance, pour l’évolution mouvementée de la relation entre cette jeune aspirante actrice et ce pianiste passionné démontrera aussi qu’à l’écriture La La Land est peut-être un brin moins rassurant et imprévisible que tout l’aura de maîtrise qui se fait aller sur ses autres aspects techniques, Chazelle connaissant ses classiques mieux que personne.
La La Land n’en demeurera pas moins une œuvre d’une grande portée, charmant, haletant, hantant et visuellement époustouflant, ramenant à l’avant-plan ces mégaproductions luxueuses avec tout le cœur, l’esprit et l’ingéniosité qui ne masquent pas l’intelligence du spectateur qui saura y trouver son compte tout du long. Aussi brillant que féérique, voilà le film parfait pour redonner tout l’espoir et la magie dont cette fin d’année avait besoin pour entamer fièrement les célébrations des Fêtes. D’une généreuse chaleur qu’on voudra sans conteste partager à notre tour.
9/10
La La Land prend l’affiche en salles le dimanche 25 décembre.