En entreprenant ses longs voyages, le saumon transporte avec lui des nutriments, mais aussi des contaminants, qui seront « transmis » aux autres créatures qui s’en nourriront.
Ce constat, qui apparaît dans une recherche parue le 9 octobre dans la revue Nature, n’est pas une surprise pour les biologistes marins. Et pourtant, il semble que ces scientifiques avaient jusqu’ici pris l’habitude, lorsqu’ils analysaient l’impact du saumon sur les écosystèmes qu’il traverse, de mesurer les nutriments ou les contaminants, mais rarement les deux en même temps.
N’importe quel poisson transporte en effet avec lui des nutriments, qui enrichiront l’écosystème où il terminera sa vie — que cela se fasse parce qu’il a été mangé par un plus gros, ou parce qu’il s’est décomposé au fond de la mer. Mais n’importe quel poisson transporte aussi des contaminants (comme le mercure et les BPC), et les chercheurs, appartenant à quatre universités des États-Unis et une du Canada (Université de Saskatchewan), ont voulu pointer du doigt les changements dans les proportions des nutriments et des contaminants sur quatre décennies — de 1976 à 2015.
Ils se sont intéressés aux cinq grandes espèces du saumon du Pacifique, connu pour ses grandes migrations annuelles, de l’océan jusqu’aux rivières où il va déposer ses oeufs.
Les « avantages et inconvénients » pour la nature ne sont pas à négliger: on estime que, chaque année, 119 millions de saumons du Pacifique retournent dans leurs rivières nord-américaines respectives. Les « entrées » de nutriments que cela représente sont parmi les plus grosses qu’on ait estimées jusqu’ici parmi les grands groupes d’animaux, résume l’un des signataires dans un communiqué de l’Université du Connecticut.
Qui plus est, comme le nombre de saumons du Pacifique a augmenté depuis 40 ans, cela représenterait, lit-on dans l’étude, une augmentation de 30% autant des nutriments que des contaminants transportés.
Avec un impact positif, négatif ou nul sur les écosystèmes traversés? Étonnamment, cela semble varier d’une espèce à l’autre: le saumon chinook transporte un ratio relativement élevé de contaminants par rapport à ses nutriments, tandis que le saumon rose (Oncorhynchus gorbuscha) transporte davantage de nutriments pour chaque dose de contaminants. Au final toutefois, en chiffres absolus, c’est le saumon rose qui, vu son abondance, transporte le plus de contaminants à sa destination finale.
On parle néanmoins de « traces », c’est-à-dire de doses trop faibles pour présenter un danger chez les humains qui consomment ces poissons, rappellent les chercheurs. Mais cette recherche ouvre une fenêtre sur l’impact indirect qu’ont sur les écosystème toutes ces « traces » transportées à de grandes distances par toutes sortes d’autres espèces migratrices.