La démocratisation de l’installation de panneaux solaires conventionnels sur les toits des bâtiments pourrait entraîner une hausse des températures en ville, de jour. La nuit, cependant, ces températures pourraient baisser, indique une nouvelle étude.
Ces travaux de recherche, menés par le Dr Ansar Khan, de l’Université de Calcutta, en collaboration avec le professeur Mattheos Santamouris, de l’Université de Nouvelles-Galles du Sud, se penchent donc sur l’impact climatique d’une éventuelle généralisation de cette méthode permettant de produire soi-même son énergie à l’aide de la lumière de notre étoile.
Mais sans données accessibles à ce sujet, les deux scientifiques se sont tournés vers des simulations en fonction des conditions météo à l’échelle d’une ville.
Ils ont ainsi constaté que dans le cadre d’un scénario où l’ensemble d’un territoire urbain est formé de bâtiments recouverts de panneaux solaires, la température pourrait augmenter de jusqu’à 1,5 degré Celsius durant le jour, en été, et diminuer de jusqu’à 0,6 degré Celsius pendant la nuit.
Les conclusions de l’étude, publiée dans Nature Cities, « ne suggèrent pas que les panneaux solaires ne sont pas une solution importante en matière d’énergie renouvelable, surtout dans le contexte de la transition énergétique pour se débarrasser des combustibles fossiles ».
Les deux chercheurs soulignent plutôt qu’il pourrait être utile de concevoir des solutions, comme des combinaisons de matériaux réfléchissants pour les toits et un verdissement urbain, afin d’équilibrer les nombreux avantages de ces panneaux solaires avec leurs conséquences potentielles en ville.
« Les panneaux solaires photovoltaïques sont une technologie importante en matière d’énergie renouvelable, mais ils peuvent changer les conditions locales des villes, lorsqu’ils sont installés en grand nombre dans les filles », soutient le Pr Santamouris.
« Le fait de comprendre ces changements est essentiel pour les décideurs qui envisagent des villes avec un grand nombre de panneaux installés sur les bâtiments, et qui doivent réfléchir aux stratégies nécessaires à leur déploiement efficace. »
Chaud le jour, froid la nuit
Pour les besoins de l’étude, l’équipe de recherche a utilisé la ville de Calcutta, en Inde, comme endroit de référence. Les auteurs des travaux ont aussi examiné quatre autres villes, soit Sydney, Austin, Athènes et Bruxelles, afin d’effectuer des comparaisons.
« Nous avons constaté qu’il existe une association linéaire entre l’augmentation de la température et le pourcentage de toits recouverts de panneaux solaires », a mentionné le Pr Santamouris. « En vertu du scénario maximal, soit 100% des toits couverts durant la période la plus chaude de l’été, nos données indiquent que les panneaux solaires entraînent une augmentation marquée de la température, durant le jour. »
Selon le professeur, l’effet « chauffant » des panneaux solaires, en vertu d’une couverture complète des toits, viendrait amoindrir en grande partie l’avantage de l’énergie renouvelable. Des estimations démontrent ainsi qu’à Sydney, près de 40% de l’énergie produite par les panneaux solaires est utilisée pour compenser l’impact en matière de température, généralement sous la forme de l’utilisation de l’air climatisé.
« Lorsque les panneaux solaires sont installés sur les toits, ils absorbent une bonne partie de l’énergie solaire, en convertissent une proportion en électricité et génèrent de la chaleur dans le cadre de leur fonctionnement », explique le Pr Santamouris.
« Cela est principalement dû à la capacité réduite des panneaux solaires de réfléchir la lumière du soleil, mais aussi à la circulation de l’air par-dessus et sous les panneaux, ce qui amplifie le phénomène de réchauffement. »
« Au plus fort de l’été, la surface de ces panneaux peut atteindre 70 degrés Celsius, ce qui rend impossible le refroidissement de l’environnement urbain avoisinant », a ajouté le spécialiste.
Et la nuit, le transfert de chaleur sous forme de radiation fait en sorte que la température à la surface des panneaux est moindre que celle des bâtiments, ce qui vient donc refroidir l’air ambiant. Cet impact pourrait s’avérer particulièrement important, puisque l’effet du réchauffement climatique devrait surtout se faire sentir la nuit, alors que la température pourrait augmenter d’environ 4 degrés Celisus au cours du prochain siècle, en moyenne, rappelle le professeur.
L’étude a aussi révélé que ces panneaux peuvent avoir des effets complexes sur d’autres conditions météo locales. Plus spécifiquement, ils peuvent réduire la concentration des substances polluantes en renforçant la partie la plus basse de l’atmosphère qui est influencée par les conditions à la surface de notre planète, ce qui entraîne des vents plus forts, et donc une dilution plus importante de la pollution.
« Les panneaux solaires font aussi augmenter la pénétration de la brise côtière dans les villes situées sur le bord de l’eau, tout en réduisant la concentration des produits polluants au niveau du sol », a encore souligné le Pr Santamouris. « Cela vient en partie compenser l’augmentation de la température, durant le jour, en plus d’être un effet important pour des villes comme Calcutta, où le problème de pollution est particulièrement important. »
L’attrait des solutions intégrées
Au dire des chercheurs, il est possible de fabriquer des panneaux solaires qui amoindrissent l’effet de réchauffement durant le jour, tout en conservant leurs avantages, le tout à l’aide de stratégies de refroidissement sophistiquées. De plus, les innovations en matière de science des matériaux, combinées aux panneaux solaires, pourraient permettre de créer des systèmes qui fonctionnent à des températures plus basses, et donc avec des effets moins importants en matière de réchauffement, soutient-on.
Pour le Pr Santamouris, la solution pourrait entre autres se trouver du côté d’un système hybride comprenant une méthode de refroidissement à l’eau pour absorber l’excès de chaleur et ainsi produire de l’eau chaude.
« Il est déjà possible de refroidir la surface des panneaux solaires en faisant circuler de l’eau », a-t-il indiqué.
Par ailleurs, des matériaux réfléchissants installés sur les toits, qui permettraient donc de renvoyer l’énergie du soleil vers le ciel, plutôt que d’absorber celle-ci et de la transformer en chaleur, pourraient aussi servir à augmenter l’efficacité des panneaux solaires, tout en réduisant le réchauffement des bâtiments, durant le jour. Et cela, c’est sans compter la possibilité de verdir les toits et les murs des immeubles.