La désinformation rampante autour des ouragans Helene et Milton fournit tout à la fois un exemple des impacts nocifs de la désinformation — en nuisant aux opérations de secours — et des motivations idéologiques cachées —à cause de son utilisation par les politiciens républicains. En plus de révéler qu’en 2024, il est vraiment possible de créer des fausses nouvelles virales sur n’importe quoi.
Les responsables de la FEMA, l’agence américaine chargée de coordonner les secours, ont fait face sur Internet à des manifestations de haine, y compris de l’antisémitisme, et à des menaces. Parmi les fausses nouvelles qui circulent à leur sujet: il n’y aurait plus d’argent dans les coffres de la FEMA à cause des immigrants (ce qui est faux), la FEMA ne donnerait qu’une aide financière de 750$ aux sinistrés (il s’agit en fait de l’aide d’urgence, en attendant l’évaluation des dommages), et la FEMA saisirait les maisons des sinistrés (ce qui est faux).
C’est en plus des fausses nouvelles qui, avant même que l’ouragan Helene ne touche terre le 26 septembre, prétendaient que cet ouragan aurait été créé artificiellement pour nuire aux électeurs républicains. Cette histoire a même été relayée par l’élue républicaine Marjorie Taylor Greene, fervente partisane de Donald Trump. La fausse information sur l’argent de la FEMA détourné pour les immigrants a été relayée par Donald Trump lui-même.
Après avoir touché terre en Floride, l’ouragan a entraîné des pluies diluviennes qui ont causé au moins 230 morts et pourraient se traduire par des milliards de dollars en dégâts dans six États.
Une tendance au mensonge
Déjà la semaine dernière, la FEMA avait senti le besoin de créer sur son site une page de « réponses aux rumeurs ». Dans une note publiée le 8 octobre, l’Institute for Strategic Dialogue (ISD), un organisme spécialisé dans l’étude des discours radicalisés, fait le bilan des messages qui circulent et s’inquiète de la suite.
« La situation illustre une tendance plus large: de plus en plus, une large coalition de groupes conspirationnistes, de mouvements extrémistes, de groupes d’intérêt politiques et commerciaux, et parfois de pays étrangers hostiles, se rassemblent autour de crises pour faire avancer leur ordre du jour à travers des faussetés en ligne, de la division et de la haine. » Le tout en profitant opportunément de l’absence de modération sur les réseaux sociaux.
Ces fausses rumeurs, note l’ISD, circulent surtout à travers X, la plateforme anciennement appelée Twitter et achetée par le milliardaire Elon Musk en 2022. Celui-ci avait aboli le plus gros de la modération — c’est-à-dire le travail consistant à épurer les propos les plus radicaux.
Plusieurs des faux messages les plus populaires proviennent de comptes qui ont aussi répandu des fausses rumeurs sur les immigrants haïtiens ces dernières semaines, sur la guerre en Ukraine et sur l’élection présidentielle de 2020.
Rappelons par ailleurs que depuis quelques années, il y a des liens très nets qui se dessinent dans les études à ce sujet, entre les réseaux de comptes qui nient le réchauffement climatique et ceux qui prétendent que les événements météorologiques extrêmes sont créés par des projets gouvernementaux secrets: il pourrait s’agir, autrement dit, d’une façon détournée de chercher à la crise climatique une explication autre que celle des gaz à effet de serre.
Quant à l’antisémitisme, il s’inscrit dans les menaces et les incitations à la violence contre les employés de la FEMA qui se présenteront dans les zones sinistrées. Dans plusieurs des messages, ce sont plus précisément trois personnes « juives » — dont un directeur adjoint de la FEMA et la mairesse d’une ville de Caroline du Nord dévastée par les inondations — qui sont accusées de comploter pour tout à la fois orchestrer le désastre naturel, saboter les secours et saisir les propriétés.