Est-ce la fin des cours magistraux pour apprendre à écrire? Sans doute pas, mais l’entreprise Pikobuz vient de lancer Grifori, une application destinée aux enseignants et aux parents pour accompagner les enfants d’âge scolaire dans le développement de leurs talents en matière de rédaction et de compréhension. Rencontre.
Au bout du fil, Antoine Duval, fondateur de Pikobuz, explique que « lorsque la pandémie est arrivée, en 2020, j’avais deux garçons au primaire qui étaient à la maison, et je cherchais une façon de les occuper pendant que j’essayais de travailler. J’ai pensé leur faire faire des histoires dont vous êtes le héros, parce que c’était des activités que je faisais, moi, quand j’avais 10 ans, dans des cahiers Canada ».
« Sauf que là, la technologie le permet, j’ai déniché un logiciel, sur internet, qui permettait de faire cela, mais qui était beaucoup trop difficile à utiliser. J’ai donc imaginé une solution beaucoup plus simple. Quand je leur ai mis la première version entre les mains, j’ai tout de suite compris que c’était quelque chose qui pouvait bien marcher dans les classes. »
M. Duval précise qu’il savait que certains groupes s’attaquaient déjà à ce genre de projet d’écriture, « mais en parlant aux enseignants, aux conseillers pédagogiques, j’ai rapidement vu le potentiel ».
Après un lancement en décembre 2022, sous forme de projet pilote, Grifori a eu droit à une première version « officielle » lors de la rentrée scolaire de cette année. En vertu de leur niveau de français, les élèves (et les enfants, si le logiciel est acheté directement par des parents) peuvent créer divers types de textes, notamment des récits d’aventures, notamment en remplissant diverses sections d’une structure prédéterminée, afin d’ajouter des rebondissements ou du dialogue, par exemple.
Afin de vérifier l’utilité et l’efficacité de son service, Pikobuz a fait appel à la professeure Rosianne Arseneau, de l’UQAM, en collaboration avec la Fédération des établissements d’enseignement privés.
Au printemps dernier, ce sont donc 248 élèves de secondaire 1 qui ont été évalués; selon les informations transmises par voie de communiqué, 47% des répondants ont jugé que Grifori était plus plaisant à utiliser pour écrire un texte, contre 41% pour un logiciel de rédaction traditionnel, et seulement 12% pour l’écriture manuscrite.
Un ajout, pas un remplacement
M. Duval se garde d’ailleurs bien de critiquer les méthodes actuellement employées en classe pour apprendre à écrire aux jeunes. « Les enseignants font un travail remarquable et les outils qu’ils utilisent, ça peut être du papier, ou encore un autre logiciel… C’est tout à fait approprié pour apprendre à écrire. Ce que nous allons offrir, avec l’application, c’est une motivation à un autre niveau. C’est un enfant qui, en rentrant à la maison, aura envie d’écrire et de continuer son histoire », explique-t-il.
« À l’école, lorsque nous sommes en version papier, notre histoire n’est pas accessible à l’ensemble du groupe en tout temps. Et donc, la technologie nous permet d’avoir certains éléments qui apportent beaucoup de motivation. »
« C’est un outil complémentaire qui vient bonifier ce qui existe déjà; cependant, les enseignants qui l’utilisent voient un beau changement chez leurs élèves, qui se mettent à vouloir écrire à la maison, qui montrent leurs textes à leurs parents, qui ont envie d’être même si cela n’est pas demandé », a encore indiqué le fondateur de Pikobuz.
Et pour vendre ses services, l’entreprise vise d’abord les enseignants, avec un forfait mensuel à 2$ par élève, et un autre à 9$ par élève pour l’ensemble de l’année scolaire. Les parents, eux, peuvent débourser 60$ par année pour obtenir jusqu’à quatre comptes pour autant d’enfants.
« Ce sont les enseignants, dans les classes, qui décident des outils pédagogiques qu’ils veulent utiliser; ce n’est pas imposé par une structure, que ce soit par le ministère de l’Éducation ou le Centre de services scolaire. Toutefois, il y a des applications qui sont présentement achetées directement par les Centres, mais cela s’est produit parce que suffisamment de copies d’un logiciel ont été acquises pour justifier un achat centralisé; c’est ce que nous visons, ultimement », a mentionné Antoine Duval.
Voilà donc la prochaine étape, pour Pikobuz et Grifori: convaincre suffisamment de profs (et de parents) de s’abonner à ce service pour que les jeunes, dans la langue de Shakespeare ou de Molière, soient nombreux à trouver davantage de plaisir dans le fait d’écrire et de faire travailler leur imagination. Lire rend libre, après tout!