Cela fait longtemps que les humains apprécient se détendre en buvant une pinte de bière bien froide. Les Égyptiens de l’Antiquité, par exemple, préféraient la bière un peu amère. Homère, le célèbre poète grec, parlait d’un breuvage appelé κυκέων (prononcer ki-ké-aune), qui était un mélange de vin et de grains fermentés. Mais à quand remonte la première brassée de bière? Un chercheur de l’Université de Boulder, au Colorado, a tenté de percer le mystère.
Travis Rupp, surnommé « l’archéologue de la bière », possède définitivement un mandat académique particulier. Le chercheur affirme voyager partout dans le monde pour apprendre comment les anciennes cultures produisaient de la bière, avant de recréer ces recettes dans son garage.
En ce moment, dit-il, il travaille à faire vieillir deux versions du breuvage évoqué par Homère, dont la concentration en alcool serait plus forte que celle de bières traditionnelles.
« La bière est quelque chose qui nous rassemble depuis longtemps. Lorsque j’en bois une, j’ai envie de le faire avec d’autres personnes », affirme-t-il.
Jusqu’à présent, la plus ancienne trace de brassage de bière provient d’une caverne située en Israël. Les habitants de l’endroit utilisaient des mortiers creusés à même le roc pour écraser et faire tremper de l’amidon de plante, transformant celui-ci en sucre – ce qui est appelé brassage, aujourd’hui. Ils faisaient ensuite fermenter ces sucres dans des contenants de fibre.
Le plus intéressant, là-dedans? La caverne en question date de 11 000 ans avant notre ère, ce qui fait en sorte que la bière, du moins selon l’état des connaissances actuelles, serait aussi vieille que l’agriculture.
« À mesure que la science progresse, je crois que ces deux dates vont continer de reculer », a souligné M. Rupp.
Qu’est-ce qu’une bière?
L’âge extrême de certains sites vient aussi remettre en question ce que les spécialistes et des passionnées pourraient définir comme étant de la bière. Selon M. Rupp, les bières contemporaines sont largement produites à partir de céréales, comme l’orge, le blé ou le riz. Mais les résidents de cette caverne, en Israël, produisaient leur breuvage à partir d’un mélange de céréales sauvages et d’autres plantes comme des tubercules et des fruits.
De fait, les bières plus contemporaines, comme on peut en déguster au bar du coin, trouvent généralement leur origine en Bavière, au 15e. Du moins, en partie.
À l’époque, les brasseurs, qui cherchaient à échapper à des taxes et des impôts sur une série d’épices, ont commencé à ajouter davantage de houblon dans leur bière, un ingrédient qui n’était pas taxé. Et en 1516, Guillaume IV de Bavière a fait adopté la Loi sur la pureté, qui définissait strictement la bière comme un breuvage ne comptant que trois ingrédients: de l’eau, de l’orge et du houblon.
Ces règles sont demeurées en place, et encadrent toujours l’industrie de la bière en Allemagne, de nos jours.
« Les migrants arrivant en Amérique, au 19e siècle, comme Adolph Cooors, la famille Anheuser et la famille Miller, avaient tous une expérience comme brasseurs en Allemagne », a poursuivi M. Rupp. « Voilà pourquoi, jusqu’à l’apparition du mouvement des bières artisanales dans les années 1990, les bières américaines étaient des lagers. »
Au dire de M. Rupp, il ne faudrait pas restreindre la définition de bière. Pour lui, il s’agit simplement d’un breuvage qui est brassé, puis fermenté. De cette façon, les brasseurs peuvent continuer d’expérimenter avec des saveurs surprenantes comme des bières acidulées à la pêche, des stouts au chocolat, et pourquoi pas des hybrides vin-bière ancestraux. Pour le chercheur, il s’agit de la poursuite d’une très, très vieille tradition.