Imaginez, un instant, que les dieux existent. Les dieux, oui, car il est ici question de la mythologie grecque et de son panthéon, avec Zeus, Hadès, Hera, Poséidon et tous les autres… Imaginez, ensuite, que ces dieux existent à notre époque, et qu’ils se livrent à des luttes éternelles pour s’accaparer ou conserver le pouvoir. Imaginez, enfin, que tout cet univers soit sur le point de s’effondrer. Bienvenue dans Kaos.
Créée par Charlie Covell, cette série télé lancée sur Netflix à la fin d’août a plus d’un tour dans son sac. Non seulement parce qu’il s’agit d’une comédie noire, mais aussi parce que bon nombre d’acteurs connus y interprètent des rôles plus ou moins importants. On y retrouve ainsi Billie Piper en Cassandre, Suzy Eddie Izzard jouant l’une des prêtresses du destin, Cliff Curtis en Poséidon débonnaire, Janet McTeer en Héra calculatrice… et l’incontournable Jeff Goldblum en Zeus aussi beauf que cruel et destructeurs.
Certes, Goldblum joue encore et toujours Goldblum, mais il est franchement rafraîchissant de le voir tout de même adopter certains traits de personnalité qui semblent carrément jurer avec le personnage. De quelque peu dépassé et rigolo, au début de la série, il deviendra terrifiant, manipulateur et tyrannique à mesure que l’on progressera à travers les huit épisodes offerts. Et comme s’il fallait encore plus contraster l’apparence anodine de ce Zeus de banlieue avec le pouvoir démesuré du roi de l’Olympe, Goldblum portera bien souvent des survêtements de velours ou des vêtements équivalents. On est bien loin de la toge, de la grande chevelure bouclée et de l’éclair tenu à la main!
Et à travers toute cette galerie de dieux, oracles et autres personnages mythiques et mystiques, on trouve trois humains qui contribueront à faire chanceler cet édifice religieux maintenu en place depuis des millénaires. On évitera bien entendu les divulgâcheurs, mais il suffit de savoir que cela impliquera un long passage par les limbes. Ou s’agit-il des enfers? Quoi qu’il en soit, on saluera plusieurs décisions techniques, y compris, justement, l’idée de faire passer en noir et blanc ces images tournées au royaume des morts.
On appréciera aussi les versions contemporaines de plusieurs mythes, comme celui de Prométhée, toujours condamné à se faire dévorer le foie par un aigle, mais qui peut aussi être instantanément transporté dans l’Olympe, afin de tailler le bout de gras avec Zeus… avant d’être renvoyé à son supplice. Ou encore cette idée que les limbes ont des airs d’aboutissement d’une bureaucratie ultime, où tout est gris, sans goût, et où il faut absolument accomplir la même tâche pendant un temps quasi infini, dans de vastes bâtiments austères?
Bien sûr, on déforme un peu la « réalité » historique. Pas de mots sur d’autres dieux, par exemple, ou sur les grandes religions monothéistes. Et il ne fait aucun doute que plusieurs personnages du panthéon antique ont été modifiés, quand ils n’ont carrément pas été effacés du portrait, afin de simplifier les choses.
Bien tournée, assez bien jouée, et proposant surtout quelque chose de savoureusement différent, Kaos est une heureuse preuve que l’originalité existe encore au petit écran. Aura-t-on droit à une deuxième saison? Est-il seulement nécessaire d’offrir une suite? Quoi qu’il en soit, l’oeuvre est particulièrement divertissante. À voir.