Comment renouer avec ses origines, si nous avons grandi ici, en pleine ville, à des milliers de kilomètres de l’endroit que l’on associe à notre nom ou encore notre couleur de peau? L’autrice de théâtre Tamara Nguyen et le metteur en scène Vincent Kim se posent la question dans La démagogie des dragons, jouée sur les planches du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui.
Cette pièce, confiait justement Mme Nguyen en entrevue, il y a environ deux semaines, avait deux objectifs: oui, faire un peu la lumière sur ses origines et sur celles de M. Kim, tous deux vietnamiens, sans toutefois posséder de véritables racines, mais aussi tourner un peu en ridicule cette pression implicite, pour toute personne issue de la diversité, de raconter forcément son parcours dans le cadre d’une représentation artistique.
Et l’oeuvre, qui met en vedette un genre de pastiche des véritables Tamara et Vincent, tente effectivement de faire double emploi. Non seulement en mettant de l’avant deux jeunes adultes qui, une fois rendus au Vietnam, ne savent pas vraiment quoi faire de leur temps, à l’exception de jouer aux touristes occidentaux. Mais également en intercalant, ici et là, des entrevues avec des Québécois d’origine vietnamienne, ou qui sont reliés au Vietnam, où l’on parle justement de cette question d’être toujours un peu l’étranger de quelqu’un. Comme si le fait d’avoir une couleur de peau autre que blanche faisait en sorte que ces gens ne seraient jamais entièrement « québécois », même s’ils sont parfaitement intégrés… ou même s’ils sont nés au Québec!
Cette dualité, entre la naïveté de nos deux « faux » protagonistes et la quête de l’autrice et du metteur en scène, entre ces vacances servant largement à faire la fête et à produire des vidéos pour TikTok, et la profondeur et la métaréflexion sur l’importance des « origines » pour ceux qui dévient de la « norme » blanche et québécoise, est quelque chose d’intéressant et de rarement vu sur les planches d’ici.
Ceci étant dit, on consacre peut-être trop de temps, justement, à ces fausses vacances, à ces mises en situation à saveur volontairement humoristique, avec des imbroglios à foison, et pas assez à prendre du recul, justement, ou à réfléchir. Il en résulte un certain ennui, malheureusement. D’autant plus qu’on sent tout ce potentiel sous-exploité qui est là, à attendre qu’on le mette à l’avant-scène.
Originale, avec un point de vue qui mérite d’être écouté et mis de l’avant, La démagogie des dragons s’essouffle malheureusement un peu en cours de route. Heureusement, Tamara Nguyen et Vincent Kim réussissent largement à mener leur navire à bon port.
La démagogie des dragons, de Tamara Nguyen, mise en scène de Vincent Kim, avec Claudia Chan Tak et Dominick Rustam
Présentée au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 11 octobre