L’affirmation selon laquelle la transition vers les énergies vertes et les véhicules électriques provoquera des pertes d’emplois massives a du plomb dans l’aile: une étude menée dans plusieurs usines automobiles américaines révèle en fait que les compagnies fabriquant de tels véhicules ont besoin de plus de main-d’oeuvre que les installations de production de véhicules à combustion interne traditionnels.
Des chercheurs de l’Université du Michigan disent ainsi avoir démontré que les usines ayant entamé le processus de transition vers la pleine production de véhicules électriques ont signalé que leur nombre d’employés, sur la ligne d’assemblage, a parfois été multiplié par 10. Dans l’une des usines examinées, où l’on fabrique des véhicules électriques depuis plus de 10 ans, le nombre de travailleurs nécessaires est demeuré trois fois plus important qu’avec les voitures et camions à essence.
« Il y a un manque d’informations, dans l’espace public, à propos de la façon dont se déroule la transition », soutient Anna Stefanopoulou, professeure de technologie et principale autrice de l’étude publiée dans Nature Communications.
« Ce que nous constatons, avec les données disponibles, c’est que les pertes d’emplois prédites en lien avec les véhicules électriques ne se matérialisent pas. »
Ces estimations, en termes d’impacts des véhicules électriques sur l’emploi dans le secteur, oscillaient autour de compressions de l’ordre de 30 à 40%, soit au moins 200 000 emplois perdus, uniquement aux États-Unis. L’une des raisons expliquant ces craintes est le fait qu’il existe des différences majeures entre les véhicules électriques et ceux à l’essence.
Ainsi, les voitures électriques nécessitent environ 100 pièces de moins que celles à essence, et le concept de leur groupe motopropulseur est bien plus simple, mentionnent les chercheurs. Par ailleurs, pas besoin de transmissions, de systèmes d’échappement, ou encore de systèmes de refroidissement dans les voitures « vertes ». Et donc, il serait logique de penser que des emplois sur la ligne de montage seraient menacés. Mais les conclusions semblent prouver le contraire.
Au dire des auteurs de l’étude, cette apparente contradiction s’exprime par plusieurs facteurs. Tout d’abord, les investissements dans le développement de nouvelles technologies manufacturière, qui nécessite souvent davantage de main-d’oeuvre lorsque vient le temps d’améliorer les processus et les installations.
Ensuite, les véhicules électriques sont plus complexes, les compagnies automobiles choisissant souvent de commencer leur nouvelle production par des voitures de luxe, ce qui implique des fonctionnalités et des technologies plus avancées.
Enfin, certains fabricants ont consolidé leurs travailleurs dans un seul emplacement afin de faire baisser les coûts liés au recours à des fournisseurs et des employés externes.
Une prévision répétée à l’envi
Comme le soulignent les auteurs de l’étude, l’estimation de 30% de pertes d’emplois est souvent attribuée à James Hackett, ancien PDG de Ford, lors d’une déclaration effectuée en 2017.
« Il s’agit d’un pourcentage qui a été répété par beaucoup de grands noms de l’industrie automobile », indique Omar Ahmed, autre coauteur de l’étude. « Mais si vous regardez ça de plus près, personne n’a pris le temps de vérifier dans de véritables usines qui sont passées des véhicules à essence aux véhicules électriques. »
Les auteurs des travaux se sont intéressés à trois de ces usines, soit les installations de Tesla à Fremont, en Californie (une ancienne propriété de General Motors et Toyota); l’usine de Rivian dans l’Illinois (précédemment détenue par Mitsubishi), et une usine de General Motors au Michigan, qui est présentement à l’arrêt.
Andrew Weng, un autre coauteur de l’étude, apporte cependant quelques nuances: ainsi, si le nombre de travailleurs sur la ligne d’assemblage a augmenté, « les choses sont moins certaines en termes d’emplois liés à la fabrication des pièces, qui dépendront largement de l’endroit où cette activité se déroule ».