Combien de fois par jour l’auteur Gary Devore pense-t-il à l’Empire romain? La réponse à cette question se trouve peut-être du côté d’A Murder of Crows on the Wall, un roman policier se déroulant en 209 de notre ère.
Dans la région du mur d’Hadrien, cette fortification qui a longtemps séparé l’Angleterre, sous contrôle romain, de l’Écosse peuplée de « barbares », un légionnaire est tué. Et par la force des choses, c’est un cartographe en mission commandée, Gaius Pedius Bonumnumen, qui sera chargé de tirer le tout au clair. Le hic, c’est que plus notre homme progressera dans son enquête, plus les choses se compliqueront.
Si l’on ne compte plus les livres policiers qui se déroulent à l’époque moderne, bien entendu, voire durant le 19e siècle. Et si Le nom de la rose représentait une incursion fort intéressante dans le monde médiéval, il s’agissait aussi, un peu, d’une tricherie, avec une référence directe à Conan Doyle et son personnage de Sherlock Holmes.
Gary Devore, lui, s’appuie sur sa grande expérience comme archéologue et ses connaissances du monde antique pour concevoir un mystère s’articulant autour de concepts intemporels, comme l’appât du gain, les luttes de pouvoir, ou encore la nécessité de recueillir des indices. À cela, celui qui enseigne également à l’Université Standford a ajouté une bonne dose de « couleur locale », ou plutôt de… couleur temporelle?
Car qui dit empire romain, surtout à l’époque du règne de Lucius Septimius Severus, avec ses deux fils se menant une lutte de tous les instants pour devenir l’héritier attitré, dit intrigues de cour, mais aussi mysticisme de l’ancien temps. Sans compter les pratiques culturelles et sociales d’une autre ère. D’une autre civilisation, même.
Voilà donc un peu l’ambiance du roman: notre héros est amené à visiter la quasi-totalité des forts construits le long du mur, en rencontrant du même coup une série de personnages particulièrement colorés. Et puisque l’auteur est féru d’histoire et d’archéologie, ces fortifications, mais aussi les villes et villages civils, sont particulièrement bien décrites, tout comme d’autres aspects de la vie romaine, à l’époque.
Peut-être un peu trop bien décrits, parfois, en fait. Mais on peut difficilement reprocher à M. Devore d’être passionné par son sujet.
Outre l’enquête policière, le lecteur aura également droit, de façon surprenante, à une réflexion fort intéressante sur la moralité. En effet, les romans de ce genre ont généralement une approche très binaire, en ce qui concerne la violence: tuer ou être tué. Un policier qui abat un criminel aura peut-être ce geste sur la conscience, mais cette fois, Gary Devore pousse la réflexion un peu plus loin, le tout dans un contexte historique où la mort était beaucoup plus présente, dans la vie de tous les jours. Et une mort généralement personnelle, face-à-face, simplement à portée de lame, plutôt que de façon plus anonyme, au bout d’un fusil.
Franchement original, autant de par son contexte que par les réflexions que suscite l’oeuvre, A Murder of Crows on the Wall est un roman tout à fait intéressant qui a sa place dans toute bonne bibliothèque qui se respecte. Espérons que l’auteur trouvera rapidement un éditeur.
Gary Devore offre également des visites guidées audio de la région du mur d’Hadrien.