Dans nos sociétés bienveillantes, empathiques, soucieuses du respect de chacun, concernées par le bien-être de tous, phobiques de toute forme de désaccord, et finalement censurées par le politiquement correct, le dialogue contradictoire et toute forme de communication intelligente sont devenus quasiment impossibles. À force de vouloir bien dire et bien faire, soit on ne fait rien, soit on fait terriblement mal. C’est un peu ce que montre la pièce écrite par François Archambault et Gabrielle Chapdelaine dans Faire le bien, présentée en ouverture de la saison du théâtre du Rideau vert.
Faire le bien, la belle affaire… Le pire est peut-être de penser qu’on est capable de le faire et qu’on le fait pour le bien des autres.
Ainsi, sous la forme de sketchs humoristiques qui s’entrecroisent, toute la palette des sujets actuels est traitée, en démontrant du même coup que cette obsession du bien faire est loin de fonctionner pour qui que ce soit : les autres, soi-même et l’ensemble de la société qui se bêtifie, s’autocensure toujours davantage et mène à une nouvelle forme de totalitarisme. C’est que chacun juge non seulement en fonction de ce que dicte la société, mais aussi en fonction de ses propres critères, et cette nouvelle « religion » du bien possède aussi ses extrémistes.
Par exemple, ce groupe « de la parole impeccable » mené par un animateur qui exige des participants de ne rien dire qui engage le jugement ni évidemment le dénigrement des autres ou de soi.
Et quand après que tout ce dispositif positif imposé passe par de petits impairs, puis le silence des participants, c’est l’animateur lui-même qui explose et vomit tout le négatif qu’il retenait dans ses tripes.
Ou ce couple dont le jeune homme, pour respecter le consentement de son espérée future partenaire, part avec elle dans une négociation polie et sans fin sur l’éventuel baiser qui pourrait initier leur désir, avant de finalement rendre ledit baiser accessoire, ou certainement inexistant, malgré l’attirance réciproque… Ce sont autant de situations excessives, mais pas tant que ça, au final.
Avec Eve Landry, de jeunes acteurs de la relève interprètent les différents protagonistes des sketches de la pièce; ils sont tous excellents et les situations s’enchainent sans temps morts, avec des pointes très drôles par moments. De nombreux sujets sont abordés, le tout en lien avec les préoccupations ou les faits de société du moment.
Certains textes sont meilleurs que d’autres et plusieurs situations auraient peut-être gagné à être encore plus caricaturales; mais l’ensemble est bien mené, distrayant et capable heureusement par moments d’aller outre le politiquement correct qu’il dénonce.
Une création de François Archambault et Gabrielle Chapdelaine
Mise en scène de Claude Poissant
Avec Xavier Bergeron, Anaelle Boily Talbot, Mehdi Boumalki, Simon Champagne, Eve Landy, Christophe Levac, Elizabeth Mageren, Charlotte Richer, Léa Roy
Faire le bien, du 27 août au 14 septembre 2024 au théâtre du Rideau vert, à Montréal