Si vous appréciez les histoires de superhéros, mais trouvez qu’elles sont généralement un peu trop manichéennes et manquent de maturité, vous serez conquis par Vanish, une sombre série signée par le duo Donny Cates et Ryan Stegman.
En raison de ses dons, les parents d’Oliver Harrison l’ont emmené dans une dimension parallèle lorsqu’il n’avait que trois ans, où il a débuté sa formation à l’école de magie d’Everkeep. Ses professeurs l’appelaient « l’élu » et étaient persuadés qu’il vaincrait un jour le mal sous toutes ses formes. Des années plus tard, le Baron Vanish a attaqué et détruit la cité magique, tuant plus de 3000 mages et démonistes, ainsi que les parents d’Oliver. La prophétie s’est alors réalisée, et l’adolescent de 14 ans a sauvé le monde en utilisant non pas une incantation, mais un vulgaire pistolet pour abattre le sorcier maléfique d’une balle entre les deux yeux.
Deux décennies plus tard, de retour dans notre monde, Oliver mène désormais une vie « normale ». Il se demande souvent s’il n’a pas rêvé les événements d’Everkeep, et consomme frénétiquement toutes les drogues lui tombant sous la main afin de mieux supporter la réalité. Après avoir été attaqué dans une ruelle par un bandit, il est sauvé de justesse par un justicier se faisant appeler Battle Rocket. Il découvre alors que six des anciens disciples de Vanish utilisent leur magie pour se faire passer pour des superhéros. Oliver ne reculera devant rien pour assouvir sa vengeance, quitte à être considéré comme le vilain de l’histoire.
Le scénariste Donny Cates et l’illustrateur Ryan Stegman ont collaboré à maintes reprises par le passé, et leur travail sur des séries acclamées comme Venom, Absolute Carnage ou King in Black leur a valu la reconnaissance de la majorité des amateurs de comics. Avec Vanish, une série publiée originalement chez Image avant d’être traduite en français, tout porte à croire que le duo a voulu s’affranchir des contraintes éditoriales de Marvel en créant un récit contenant des jurons, des sous-entendus à connotation sexuelle, une consommation débridée d’alcool et de drogues dures, une violence très graphique et un héros dénué de morale, qui tue sans remords et se nourrit de l’énergie de ses ennemis.
Mélangeant deux genres qui sont habituellement distincts, soit la magie et les superhéros, Vanish propose un univers unique, et original. Au-delà de l’action, l’intrigue explore les traumatismes auxquels font face les enfants soldats qui se voient accorder d’immenses pouvoirs avant d’être enrôlés dans une guerre que se livrent les adultes. De son propre aveu, Donny Cates a déjà été aux prises avec des problèmes de santé mentale, et il utilise sa propre expérience pour dépeindre les tourments psychologiques de son héros de manière crédible. La conclusion semble par contre un peu précipitée, et la série aurait facilement pu prendre quelques numéros supplémentaires pour mieux étoffer son histoire.
Ryan Stegman puise dans l’esthétique typique des récits de superhéros pour Vanish et dépeint des combats épiques et de la destruction à grande échelle, mais il insère aussi une touche de magie dans ses planches, avec ses dragons côtoyant les gratte-ciels futuristes de la cité d’Everkeep, de longs faisceaux lumineux émanant des yeux des personnages, ou les huit pattes d’araignées sortant du dos du Baron Vanish. Il ne se gêne pas pour illustrer la violence de manière très graphique : cervelle qui explose, tripes exposées à l’air libre, crâne enfoncé à coup de botte, ou piles de cadavres. Les illustrations sont riches et somptueuses, et valent à elles seules le détour. Chacun des deux tomes contient quatre numéros, et se termine avec galerie de couvertures alternatives.
Avec Vanish, Donny Cates et Ryan Stegman mettent à profit la liberté créatrice qu’accorde un éditeur indépendant pour tisser une sombre histoire de superhéros et de magie qui, autant par sa violence que par les thèmes qu’elle aborde, saura satisfaire les lecteurs majeurs et vaccinés.
Vanish – Tome 1, de Donny Cates et Ryan Stegman. Publié par Urban Comics, 120 pages.
Vanish – Tome 2, de Donny Cates et Ryan Stegman. Publié par Urban Comics, 120 pages.