Les chasseurs de vie extraterrestre rêvent depuis près de 50 ans de cette lune de Jupiter recouverte de glace et appelée Europe. En octobre, leurs rêves prendront la forme d’une sonde spatiale de la NASA, Europa Clipper, capable de détecter, espèrent-ils, des traces indirectes de bactéries là-bas.
Ce sera, si tout va bien, la deuxième mission du genre, puisqu’une sonde européenne, Juice (Jupiter Icy Moons Explorer) est en route depuis 2023, et devrait arriver en 2031.
Les photos des sondes Pioneer, Voyager et Galileo qui s’étaient succédées dans les parages depuis les années 1970, ne montraient pourtant rien d’engageant: une surface grisâtre parsemée de crevasses. Le fait que cette surface soit de la glace et non du roc constitue toutefois le cœur de l’énigme : les crevasses, de même que l’absence apparente de cratères de météorites, trahissent que cette « couche » de glace — plusieurs dizaines de kilomètres d’épaisseur — n’est pas immobile.
Elle se déplace et, ce faisant, se fissure de façon aléatoire —comme on s’y attendrait si elle reposait sur une « couche » d’eau. Le tout, avec l’aide des forces gravitationnelles de la planète géante, Jupiter, forces qui créent un effet de marée, comme la Lune en crée un sur Terre, réchauffant suffisamment la surface rocheuse d’Europe pour faire fondre une partie de la glace.
Cette description n’est pas qu’une simple théorie. Depuis 2016, on a observé des « geysers » — soit quelque chose, gaz ou liquide, qui jaillit à l’occasion à travers une des crevasses (la sonde spatiale Cassini avait observé en 2005 le même phénomène sur Encelade, une lune glacée de Saturne). Là encore, c’est comme on s’y attendrait, s’il y avait de l’eau là-dessous. Cela fait de cette lune glacée, la 4e plus grosse lune de Jupiter, l’une des candidates les plus sérieuses à l’existence d’une forme de vie ailleurs que sur notre planète.
Mais le prouver ne sera pas facile, et c’est la raison pour laquelle il a fallu autant de temps pour y envoyer une sonde spatiale. Même si Clipper ou Juice avaient pu se poser sur la surface —ce qui ne sera pas le cas— elles auraient été incapables de creuser à travers des dizaines de kilomètres de glace, jusqu’à ces hypothétiques micro-organismes marins.
Clipper fera donc ses observations depuis une orbite rapprochée autour d’Europe. Quant à Juice, il vise, comme son nom l’indique, « les » lunes glacées (Europe, Ganymède, Callisto). Mais si les Terriens qui ont envoyé ces deux sondes spatiales sont chanceux, elles pourraient se trouver au bon endroit pour analyser la composition chimique d’un de ces geysers : la présence de matériel organique pourrait être la preuve attendue.
Les Terriens ne comptent pas seulement là-dessus. Les 9 instruments à bord de Clipper auront à mener des analyses géophysiques —pour comprendre comment ces crevasses se font et se défont— et chimiques. Les interactions entre la glace, la planète géante qui domine le ciel et les autres grandes lunes proches, ont inévitablement créé, après des millions d’années, une chimie complexe, qui est ce qui fascine les astronomes — et ce, qu’il y ait de la vie ou non.
L’ensemble des données pourrait pointer vers des zones plus intéressantes que d’autres —peut-être des zones où l’océan affleure plus souvent jusqu’à la surface — et fournir ainsi des cibles pour de futures missions.
« Avec Europa Clipper, nous entrons vraiment dans une nouvelle phase de l’astrobiologie », commente dans le New Scientist l’un des membres de la mission, le scientifique Sam Howell. Si « sa » sonde spatiale s’envole comme prévu en octobre, à bord d’une fusée Falcon de la compagnie SpaceX, elle devrait atteindre les parages de Jupiter en 2030, et précéder même Juice d’un an.