Sous un éventuel gouvernement Trump, l’administration « devra éradiquer, absolument partout, les références aux changements climatiques ». C’est la référence la plus directe à de la censure des faits scientifiques qu’on peut trouver dans les vidéos de formation des futurs fonctionnaires, vidéos produites par le Projet 2025, un « guide » de ce à quoi pourrait ressembler l’année 2025 à Washington.
Ces vidéos ont été obtenues par les magazines d’enquête Pro Publica et Documented. Le « Projet 2025 », qui était connu jusqu’ici comme un document de près de 900 pages publié à l’été 2023, est le fruit d’un groupe qui, piloté par la Fondation Heritage —un influent groupe de réflexion conservateur qui a été proche de tous les gouvernements républicains des quatre dernières décennies— entend à présent piloter une deuxième présidence Trump.
Dans le document de l’an dernier intitulé Mandate for Leadership, on parle de remplacer des milliers de fonctionnaires par des employés qui seraient aux ordres du parti républicain, d’abolir le ministère fédéral de l’Éducation, de charcuter le ministère de la Justice et d’accorder les pleins pouvoirs au président —y compris le pouvoir d’invoquer une loi sur l’insurrection remontant à 1807, dans le but de déployer l’armée sur le territoire américain. Le parti démocrate dénonce le Projet 2025 depuis quelques mois, et le parti républicain tente de prendre ses distances.
En général, les vidéos sur lesquelles les journalistes ont mis la main ne font que confirmer le contenu du document en question. Mais elles réussissent malgré tout à surprendre, notent les journalistes. Ainsi, dans la vidéo recommandant « l’éradication » de la notion de changements climatiques, on peut aussi entendre la militante républicaine Bethany Kozma, qui a travaillé sous Trump, nier la gravité de la crise climatique, mais surtout réduire le « mouvement » de lutte aux changements climatiques à une stratégie pour « contrôler la population ».
Cette crainte surgit régulièrement, depuis des années, dans des théories du complot qui choisissent d’écarter les données scientifiques pour leur préférer des stratégies imaginaires (comme l’interdiction de la viande, des voyages en avion, etc.). Mais il est plus rare de la retrouver dans un document qui se présente comme ayant été rédigé par une cohorte d’intellectuels.
Kozma s’émeut notamment que les agences américaines du Renseignement aient désigné en 2021 les changements climatiques comme une « menace à la stabilité », dans un rapport sur les défis mondiaux des deux prochaines décennies. Or, de nombreux autres gouvernements (dont le Canada) ont eux aussi identifié depuis des années que l’augmentation des sécheresses, des canicules, des tempêtes majeures, des inondations et des feux de forêt, en provoquant des pénuries alimentaires ou des déplacements de population, allaient inévitablement être des facteurs susceptibles d’exacerber les tensions, régionales ou internationales.
La série de 23 vidéos, totalisant 14 heures, a été produite pour « former » les fonctionnaires qui seraient embauchés par un éventuel gouvernement républicain cet hiver : rien que dans le secteur environnemental, les recommandations incluent le démantèlement partiel de l’Agence de protection de l’environnement, de la plupart des politiques environnementales actuelles et des politiques chapeautant la transition vers les énergies vertes. La semaine dernière, un rapport publié par un groupe de promotion des énergies vertes évaluait que ces actions ajouteraient 2,7 milliards de CO2 d’ici 2030, par rapport aux cibles que s’était fixées le gouvernement Biden.
Bien que Donald Trump ait déclaré en juillet ne pas connaître le Projet 2025 ni les gens qui sont derrière, une compilation des 36 personnes s’exprimant dans ces vidéos révèle que 29 ont travaillé dans son gouvernement (2016-2020). Par ailleurs, plusieurs des auteurs du document de l’an dernier ont été des proches collaborateurs du président Trump, ou sont des personnalités influentes du parti républicain, ou ont continué de côtoyer l’ex-président ces dernières années.