Projet en gestation depuis des décennies, cette transposition cinématographique de la série de jeux vidéo Borderlands ne viendra certainement pas aider la cause et contrer la malédiction des adaptations de titres qui semblent rarement faits pour le grand écran.
Le film ayant passé entre plusieurs mains avant, pendant et après la production, c’est finalement Eli Roth qui a été choisi pour diriger le navire, probablement voué au naufrage dès le départ. Un malheur n’arrivant jamais seul, occupé avec son plus récent film Thanksgiving sorti finalement avant celui-ci, c’est Tim Miller (oui, oui, celui derrière le premier Deadpool) qui a été responsable de tourner de nouvelles images, deux ans après le travail initial.
Surtout connu comme personnalité publique navigant dans le cercle d’amis à Tarantino (en tant qu’acteur, il a joué dans moins de productions qu’on ne semble le croire, et comme scénariste et réalisateur, on évite habituellement le sujet) Roth est principalement associé à la décadence et à l’horreur. L’homme est toujours à la recherche du succès, en étant même prêt à changer ses registres pour y parvenir.
Disons que ce fut une assez grosse surprise lorsqu’il a annoncé The House With a Clock in Its Walls, son premier film familial mettant en vedette nul autre que Cate Blanchett et Jack Black, un duo des plus inattendus. Personne ne se surprendra qu’avec ce qui est discrètement devenu son plus grand succès commercial en carrière, Roth a refait appel au duo pour Borderlands. À noter toutefois que Black est seulement présent en voix via un personnage de robot à mi-chemin entre WALL-E et R2-D2, à égale mesure attachant et agaçant.
C’est aussi le premier projet en près de 10 ans où Eli Roth a signé le scénario de son propre film, aidé ici par Joe Crombie, dont c’est le premier essai du genre. Il s’agit de bien peu de bonnes nouvelles, malheureusement, puisque Roth continue de faire montre de bien peu d’originalité, calquant ici et là tout ce qu’il pense qui pourrait s’avérer gagnant.
Si les comparaisons entre son Thanksgiving et Halloween laissaient planer une odeur de plagiat, on ne voit pas comment cet émule de Guardians of the Galaxy pourrait à la fois survivre au box-office, mais aussi dans la durée.
Après tout, déjà vendu allègrement comme tentant de tracer sa voie dans les pas de la trilogie de James Gunn, le résultat est un peu moins calqué sur la franchise qu’on pourrait le croire, bien qu’il mise encore sur une bande de malfaiteurs mal-assortis qui doivent collaborer ensemble, concept éprouvé avec lequel les Suicide Squad de DC ont d’ailleurs bien eu de la misère. On y inclus aussi une compilation musicale de tubes à rabais qui ne font pas trop de sens, puisque le film est supposé se dérouler dans un univers parallèle au nôtre.
À chaque fois, on se pose la question de l’intérêt de voir un jeu vidéo dont on n’a pas le contrôle, l’intérêt principal de la création. Ici, la réponse se résume majoritairement en Cate Blanchett qui montre une aisance et un plaisir fou à jouer les chasseuses de primes désinvoltes multipliant les cascades et les tirs au fusil avec un bonheur qui nous fait presque pardonner qu’elle devient notre avatar qui prend toutes les décisions pour nous. Comme quoi son talent est tel qu’on la suivrait probablement littéralement partout.
Ce rôle, situé à des années-lumière de ceux qu’elle interprète habituellement, est toutefois probablement moins surprenant que lorsqu’elle a accepté de jouer la méchante Hela dans le Thor: Ragnarok de Taika Waititi. Il s’agit malgré tout d’une grande preuve de l’audace de cette actrice qui n’a pas froid aux yeux et ne rechigne pas à l’idée de surmonter des défis, même après deux Oscars.
On a quand même su bien l’entourer pour créer cette famille adoptive dysfonctionnelle et la rendre un tant soit peu vivable. Cate Blanchett prouve encore qu’elle peut bien s’entendre avec n’importe qui, puisque sa complicité également improbable avec Kevin Hart fonctionne bien, et que Jamie Lee Curtis fait preuve de plus de nuances qu’à ses habitudes dans un rôle tout en délicatesse et en incertitudes.
Ariane Greenblatt en fait toutefois trop, on risque de manquer Haley Bennett si on cligne des yeux et Edgar Ramírez n’a jamais l’air d’avoir envie d’être là, dans ce rôle de méchant de service des plus générique.
Pour le reste, ce qui enfonce vraiment le clou dans le cercueil de cette production, au-delà de son insipidité, c’est son côté largement idiot. Film conçu comme un délire de gamin ayant subi plusieurs coups aux cerveaux, il y a des choses encore plus douteuses que les gags de pipi qu’on nous avait servi dans les campagnes promo. Qu’importe si cela fait véritablement partie du jeu d’origine, ou non.
Si les séquences d’action font preuve d’une certaine aisance, on a l’impression que le film ne lève jamais véritablement et on a dû mal à adhérer à l’ensemble quand on essaie d’y insuffler un peu d’émotions (au travers de passés douloureux, évidemment), tout comme il est difficile de s’intéresser à la quête principale pendant plus de quelques minutes, c’est-à-dire à cette histoire de voûte secrète ou ce mystère entourant un ou une élu/e (oui, encore ça).
En regardant Borderlands, on se dit que la chose est bien dommage, car il y a une telle énergie qui se dégage à la fois de cet univers – qui est vibrant, créatif et coloré – et des personnages qu’on a presque envie de se dire qu’on voudrait leur donner une deuxième chance.
À condition, bien sûr, de leur trouver un cinéaste qui aura plus à coeur l’univers et ce qui le compose que le résultat qu’il est possible d’en tirer. Comme quoi, à trop vouloir créer pour atteindre un résultat spécifique, on vient souvent remplir inutilement les décharges.
4/10
Borderlands prend l’affiche en salle ce vendredi 9 août.