Si vous avez l’impression que l’industrie du jeu vidéo ne prend plus beaucoup de risques et répète inlassablement les mêmes formules sentant le réchauffé, c’est que vous n’avez pas encore joué à Indika.
Indika est le nom de la nonne que l’on incarne dans le jeu. Celle-ci est la proie d’étranges visions, et elle entend la voix du Diable dans sa tête, qui se fait chaque jour plus forte et plus convaincante. La jeune femme est plutôt étrange, et ses consœurs au couvent ne l’apprécient guère, pour ne pas dire qu’elle est carrément détestée. Un jour, dans l’espoir de s’en débarrasser, la mère supérieure la charge de livrer une lettre au père Herman, qui se trouve à plusieurs kilomètres de là, au monastère de Danilov. Commence alors un dangereux périple à pied pour la religieuse à travers la Russie du 19ème siècle déchirée par la guerre et la misère.
Abordant des thèmes qui le sont rarement dans les jeux vidéo, comme la foi, le libre arbitre ou la nature de l’âme, Indika est un titre singulier et vraiment unique ne ressemblant à rien d’autre. Il s’agit d’abord et avant tout d’une expérience narrative, et le voyage de la jeune nonne n’est pas de tout repos. En plus des rigueurs de l’hiver, l’héroïne passera à deux doigts d’être violée, se verra pourchassée par un loup monstrueux, et sera prise en otage par Ilya, un prisonnier en fuite avec qui elle se liera d’amitié en cours de route. Au gré des conversations avec lui, elle s’apercevra que le couvent, et sa religion, sont aussi une forme de prison. Rarement un jeu aura-t-il été aussi philosophique et théologique…

Bien qu’il s’agisse avant tout d’une expérience narrative, Indika n’oublie pas pour autant sa nature de jeu, et le titre inclut plusieurs mécaniques intéressantes ne se limitant pas seulement à marcher et courir. Au début par exemple, afin de montrer la monotonie de la vie au couvent, on nous fait accomplir des tâches ingrates et répétitives, comme transporter des paniers de légumes ou remplir manuellement un baril d’eau, ce qui nécessite pas moins de cinq voyages au puits avec son seau. Chaque tâche accomplie accorde des points. En montant de niveau, on peut augmenter nos habiletés, comme le chagrin, l’humilité, le repentir, le regret, la honte ou la culpabilité, mais il n’est pas évident de comprendre ce que chaque talent fait exactement.
Il y a également plusieurs casse-têtes à résoudre afin de progresser, qui donnent du fil à retordre au joueur. Quand la voix du Diable prend le dessus, on bascule dans un autre monde duquel seule la prière parvient à nous extirper. On alterne alors entre ces deux états afin de surmonter des puzzles environnementaux et d’avancer malgré les obstacles. On ne peut pas dire que cette mécanique soit beaucoup exploitée, puisque le jeu n’y fait appel qu’à deux reprises. En plus des dizaines d’objets à collectionner, on trouve quelques niveaux affichés en 16 bits, dont une course sur une vieille moto à vapeur et des tableaux de plate-forme rétro.

Pour une production indépendante, les visuels sont plutôt impressionnants, qu’il s’agisse des paysages brumeux et glauques, des traces de pas qu’on laisse dans la neige derrière soi, ou des expressions faciales des modèles 3D. Le seul petit défaut de Indika se trouve du côté du montage sonore, alors que l’audio est assez mal mixé et que les dialogues deviennent parfois, sans raison, beaucoup trop forts. Le jeu est aussi assez court, et l’expérience, répartie sur 19 tableaux différents, ne demande que quatre heures seulement, cinq au maximum, pour être complétée. Comme il n’y a pas d’embranchements ou de décisions venant influencer l’histoire, il n’y a que très peu de raisons de rejouer le titre.
Si vous cherchez de l’action et de l’adrénaline, Indika n’est clairement pas pour vous, mais si vous appréciez les expériences qui n’ont pas peur de sortir des sentiers battus, vous aimerez ce titre qui, s’il n’est pas le meilleur jeu de l’année, est sans conteste le plus original.
6.5/10
Indika
Développeur : Odd Meter
Éditeur : 11 Bit Studios
Plateformes: PlayStation 5, Windows, Xbox Series S/X (testé sur PS5)
Jeu disponible en français (textes à l’écran seulement)