De délicats insectes peuvent-ils traverser l’Atlantique et se poser sur une plage en Amérique du Sud? C’est la démonstration qu’ont voulu effectuer des chercheurs espagnols et canadiens, dans une enquête scientifique plus complexe qu’elle n’en a l’air.
En 2013, le chercheur de l’Université de Barcelone Gerard Talavera avait été étonné d’apercevoir des papillons Belle-Dame sur une plage de l’Amérique du Sud, en Guyane française. Cette espèce ne vit pourtant pas en Amérique du Sud. À l’époque, le chercheur remarque que les ailes des papillons sont abîmées, comme s’ils venaient de terminer un très long vol.
De fait, les papillons Belle-Dame sont connus pour parcourir de très grandes distances. Ils font régulièrement le trajet de l’Europe à l’Afrique subsaharienne, une route de 15 000 km. Mais traverser l’Atlantique sans aucun point de ravitaillement est un défi autrement plus important pour ces petites bêtes fragiles.
L’équipe du chercheur, raconte la journaliste Monique Brouillette dans un article du New York Times. a donc utilisé plusieurs méthodes d’enquête pour déterminer si les papillons trouvés sur la plage avaient bel et bien réussi cet exploit. Leurs résultats ont été publiés dans la revue Nature Communications.
Tout d’abord, ils ont prélevé des grains de pollen collés sur les insectes et en ont séquencé l’ADN. Ils ont remarqué que certains de ces grains provenaient de plantes se trouvant uniquement en Afrique de l’Ouest —preuve que les papillons avaient séjourné dans cette région.
Ensuite, ils ont étudié le génome des papillons trouvés en Guyane et établi que ceux-ci avaient des origines sur les continents européen ou africain. L’analyse des isotopes d’hydrogène et de strontium se trouvant dans leurs ailes a aussi confirmé qu’ils avaient bien vu le jour là-bas, puisque les ratios de ces isotopes varient selon l’emplacement géographique.
Enfin, des données météorologiques ont démontré que le groupe de papillons avait bénéficié de vents favorables pour sa traversée de l’Atlantique.
Les chercheurs supposent également que, pour conserver leur énergie, ils auraient utilisé une stratégie de vol connue chez les papillons monarques, qui consiste à battre des ailes uniquement pour se maintenir dans les airs et se laisser planer.
Les scientifiques croient toutefois que cette traversée était accidentelle. Pendant qu’ils effectuaient leur voyage habituel de l’Europe vers l’Afrique, les papillons auraient été emportés par les vents au-dessus de l’Atlantique et ils auraient tout simplement continué à voler jusqu’à ce qu’ils touchent terre. Leur périple aurait ainsi duré de 5 à 8 jours. Il s’agit néanmoins de la première démonstration que des insectes peuvent traverser un océan.