Sur fond de tensions croissantes entre les principales puissances mondiales, et alors que la guerre en Ukraine en est à sa troisième année, l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, le SIPRI, s’inquiète non seulement de la multiplication du nombre d’ogives nucléaires officiellement recensées, mais aussi de leur installation sur des missiles pouvant être lancés à quelques instants de préavis.
« On n’a jamais vu les armes nucléaires jouer un rôle aussi prépondérant dans les relations
internationales depuis la guerre froide », a ainsi déclaré, dans une note d’information récemment publiée, Wilfred Wan, directeur du programme Armes de destruction massive du SIPRI.
De fait, avec le déclenchement de la vaste offensive russe contre l’Ukraine, en février 2022, l’utilisation d’armes nucléaires, une situation normalement jugée comme étant de dernier recours, a pris des allures d’éventualité, Moscou affirmant, en mai de cette année, « avoir annoncé avoir débuté des exercices militaires sur l’utilisation d’armes nucléaires tactiques près de la frontière ukrainienne ».
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le Kremlin et son occupant, Vladimir Poutine, menacent de déclencher une guerre atomique face aux agissements des pays de l’OTAN, qui continuent de fournir des armes de plus en plus sophistiquées aux forces ukrainiennes.
Au dire du SIPRI, d’ailleurs, la Russie « a déployé environ 36 ogives de plus avec ses forces opérationnelles », comparativement à janvier 2023.
Avec Washington, Moscou représente près de 90% de toutes les armes atomiques de la planète. « Il y a de moins en moins de transparence sur les forces nucléaires de la part des deux pays depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie en février 2022, et les annonces publiques autour d’accords sur le partage nucléaire ont gagné en importance », précise d’ailleurs l’Institut.
Ailleurs dans le monde
Ce n’est pas qu’aux États-Unis et en Russie que l’on a relancé une certaine course à l’armement; toujours au dire du SIPRI, d’autres pays ont eux aussi multiplié les initiatives, ce qui fait augmenter les craintes d’un éventuel dérapage, dont les conséquences seraient catastrophiques.
C’est ainsi le cas de la Chine, qui « développe son arsenal nucléaire plus rapidement que n’importe quel autre pays », a souligné Hans M. Kristensen, chercheur principal associé au programme Armes de destruction massive du SIPRI.
Pékin « pourrait potentiellement posséder au moins autant de missiles balistiques intercontinentaux que la Russie ou les États-Unis d’ici la fin de la décennie ».
Le pouvoir communiste chinois, allié de la Russie et en froid croissant avec l’Inde et les États-Unis, serait ainsi en mesure, pour la première fois, d’installer des têtes nucléaires sur des missiles en temps de paix.
Son plus proche partenaire, la Corée du Nord, tente toujours, de son côté, de développer davantage son programme nucléaire militaire « comme élément central de sa stratégie de sécurité nationale ».
» Le SIPRI estime que le pays a désormais assemblé environ 50 ogives nucléaires et possède suffisamment de matières fissiles pour atteindre un total de 90 ogives nucléaires. Cela représente une augmentation significative du nombre d’ogives par rapport aux estimations de janvier 2023″, lit-on dans la note d’information.
Aux yeux de Dan Smith, directeur du SIPRI, le constat est clair: « Nous vivons actuellement l’une des périodes les plus dangereuses de l’histoire de l’humanité. »
« Il existe de nombreuses sources d’instabilité: rivalités politiques, inégalités économiques, perturbations écologiques, course aux armements qui s’accélère. L’abîme nous fait signe et il est temps pour les grandes puissances de prendre du recul et de réfléchir. De préférence ensemble. »