Les épisodes de chaleur extrême se sont multipliés, en 2024, alors que des villes au Mexique, en Inde, au Pakistan et à Oman ont franchi la barre des 50 degrés Celsius. Et à mesure que les températures augmentent que les populations urbaines prennent de l’expansion, les villes sont devenues des îlots de chaleur, le béton reflétant en emmagasinant la chaleur. Avec 68% de la population mondiale qui devrait vivre en ville d’ici 2050, c’est un problème mortel qui prend de l’ampleur.
Voilà pourquoi, dans une étude publiée dans Science, des chercheurs de l’Université de Chicago proposent un nouveau type de tissu qui peut aider ces résidents urbains à survive « aux pires effets de la terrible chaleur provoquée par les changements climatiques ». Ledit tissu pourrait être employé pour fabriquer des vêtements, mais aussi dans la conception de bâtiments et de voitures, ainsi que de systèmes de stockage pour la nourriture, affirment les auteurs des travaux.
Lors de tests effectués sous le chaud soleil de l’Arizona, le nouveau matériau en question a permis de conserver une température de 2,3 degrés Celsius inférieure au tissu générique utilisé dans des vêtements de sports d’endurance, et 8,9 degrés Celsius sous la température moyenne de la soie commerciale utilisée pour fabriquer des chemises, des robes et d’autres vêtements d’été.
L’équipe de recherche espère que cette percée permettra d’éviter plusieurs hospitalisations, voire des décès imputables à la chaleur, notamment dans les grands centres de population.
« Nous devons réduire nos émissions carbone et rendre nos villes carboneutres ou carbonégatives », soutient le professeur adjoint Po-Chun Hsu. « Mais pendant ce temps, les gens ressentent l’impact de ces températures élevées. »
« Vous devez tenir compte de l’environnement »
Les tissus « refroidissants » actuels, destinés à fabriquer des vêtements de sport, fonctionnent en reflétant la lumière du soleil de façon diffuse, pour que les personnes aux alentours ne soient pas éblouies. Mais dans un îlot de chaleur urbain, le soleil n’est pas la source de chaleur.
Cela veut dire que bien des matériaux permettront d’obtenir de bons résultats en laboratoire, mais n’aideront pas les citadins vivant en Arizona, au Nevada, en Californie, dans le sud-est de l’Asie et en Chine lorsque les vagues de chaleur anticipées frapperont ces régions, au cours des prochaines semaines.
« Les gens se concentrent habituellement sur les performances, ou sur la conception des matériaux lorsque vient le temps de fabriquer des textiles rafraîchissants », mentionne le principal auteur de l’étude, le chercheur post-doctoral Rongui Wu.
« Pour créer un textile qui a le potentiel de servir dans la vraie vie, vous devenez tenir compte de l’environnement. »
L’un des exemples de cette importance de l’environnement, affirment les chercheurs, est le fait que les gens se tiennent de bout. Ils portent des matériaux conçus pour refléter la lumière directe, mais seuls leur chapeau, le tissu recouvrant leurs épaules et le dessus de leurs souleirs – soit environ 3% de leurs vêtements, écrivent les scientifiques – font face à une lumière directe.
Le reste, soit environ 97% des vêtements, est réchauffé par les radiations thermiques provenant de tous les côtés, et même d’en dessous, ce pourquoi les vêtements habituels ne sont pas conçus.
Au dire des chercheurs, puisqu’il s’agit de différents types de chaleur, concevoir un matériau capable de protéger plus efficacement les individus s’est avéré être un défi de taille.
« La lumière solaire est de la lumière visible, les radiations thermiques sont de l’infrarouge, alors leur longueur d’ondes est différente. Cela veut dire que vous avez besoin d’un nouveau matériau possédant deux propriétés optiques en même temps. Cela est très complexe », a mentionné un autre coauteur de l’étude, Chenxi Sui. « Vous devez vous plonger dans la science des matériaux pour créer et ajuster un matériau afin d’obtenir des résonances différentes en fonction de longueurs d’ondes diverses. »
Le coût du confort
Comme le rappellent les chercheurs, refroidir une maison veut souvent dire réchauffer la planète, avec l’impact carbone de la climatisation et des systèmes de réfrigération qui contribuent au phénomène du réchauffement climatique.
« Notre civilisation utilise en fait de 10% à 15% de son énergie pour nous rendre confortable, peu importe où nous nous trouvons », affirme M. Hsu.
Les risques associés à la chaleur ne sont cependant pas répartis de façon égale sur l’ensemble de la planète. Aux États-Unis et au Japon, plus de 90% des foyers possèdent un climatiseur, une proportion qui tombe à 5% en Inde et dans certaines régions d’Afrique.
Le nouveau textile conçu par les chercheurs, qui fait l’objet d’un brevet provisoire, pourrait non seulement servir à garder les gens au frais, affirme-t-on, mais aussi être employé dans la construction de bâtiments et de véhicules, afin d’en abaisser la température interne, et ainsi réduire les coûts de la climatisation.
Les chercheurs soutiennent également que ce matériau pourrait être intégré dans les emballages de nourriture, ce qui réduirait les besoins en matière de réfrigération, à l’aide de ce que M. Sui décrit comme « un procédé passif ».