Aux éditions Le passager clandestin, Mathias Rollot publiait récemment Décoloniser l’architecture. Préfacé par Françoise Vergès et terminé par la postface d’Émeline Curien, cet ouvrage de 227 pages est étayé, si on peut dire, par une iconographie décalée. En effet, on cherche souvent le lien entre les photographies et le propos de l’auteur. Rien, cependant, pour nous détourner du propos convaincu de Rollot, architecte et chercheur, qui fait le procès des architectes et de l’architecture.
Il met à mal sa profession, qu’il identifie tout d’abord à un outil du pouvoir et de ses représentations : les palais des rois, les temps des religieux au pouvoir et tout ce qui a été bâti pour la gloire du capitalisme, de l’impérialisme, du colonialisme.
S’il décrit avec verve les héritages problématiques de l’architecture à travers les âges, il en vient rapidement à proposer des pistes de solutions pour sa survie et pour son avenir, si elle en a un. À travers les concepts de biorégionalisme, d’architecture autochtone, vernaculaire ou réhabitante, il propose une réelle réflexion sur la réappropriation du besoin, du désir et des moyens de construire, en dehors des dictats de l’architecture conventionnelle, figée dans le temps et qui sent le besoin d’être rigide pour ne pas perdre sa raison d’être.
Sa démarche est tout à fait défendable et c’est plutôt le statu quo qui nous apparaît parfaitement injustifiable. Mais là où ce qui se conçoit bien devrait s’énoncer clairement, nous sommes dans l’obligation de constater que Rollot sait davantage comment décoloniser l’architecture que décoloniser la façon d’écrire sur l’architecture. Voyons un peu:
« Et si cette acception biorégionaliste de l’idée d’autochtonie n’est en rien « une appropriation culturelle », c’est parce que son objectif est bien de concourir aux lutes anti-impérialistes, antiracistes, autonomistes, écologistes et sociales, dans une optique pluraliste et diversitaire, « post-développementiste » – bref, fondamentalement décoloniale. »
La note du service de presse annonçait une démonstration érudite et il nous faut constater qu’on était dans le vrai. Cela dit, et bien que beaucoup de choses aient déjà été dites et débattues sur l’avenir du premier art, cet ouvrage sera très certainement utile à la poursuite des réflexions.