Ce ne sont pas des télescopes qui accueillent le visiteur à l’Observatoire fédéral situé près de Penticton, dans la vallée de l’Okanagan, en Colombie-Britannique, mais une forêt d’antennes géantes. Inauguré en 1960, l’endroit est devenu le plus grand site de radiotélescopes au Canada. C’est là que l’on retrouve depuis 2017 le plus gros radiotélescope au pays, le CHIME (Canadian Hydrogen Intensity Mapping Experiment).
On y étudie la structure et la dynamique de notre galaxie, la structure des quasars et les petits noyaux des galaxies, explique Wendell Shuster, communicateur scientifique rattaché au Conseil national de recherches du Canada (CNRC), dont l’Institut Herzberg d’astrophysique gère le site. C’est également CHIME qui, en 2018, a identifié une répétition de ce qu’on appelle des sursauts radio rapides (Fast Radio Burst) des signaux ultra-brefs et extrêmement puissants, venus des confins du cosmos.
L’installation se destine à la recherche et au développement scientifiques et technologiques en radioastronomie. Cela signifie qu’on y conçoit et met au point des instruments à la fine pointe de la technologie pour les radiotélescopes.
C’est aussi un lieu pour la vulgarisation scientifique: le site a accueilli en 2023 plus de 22 000 touristes.
On n’y étudie toutefois pas les exoplanètes. La radioastronomie, comme son nom l’indique, donne aux astronomes une image parallèle de l’univers en leur permettant de détecter des ondes radio qui sont invisibles à l’œil nu. En théorie, il serait possible de détecter des planètes tournant autour d’autres étoiles par leur « signature radio ». Mais la résolution des radiotélescopes de l’Observatoire fédéral de radioastrophysique est insuffisante pour cela. « Nous détectons les radiations émises par les étoiles et autres astres du ciel, poursuit Wendell Shuster. Il serait possible que ces radiations soient déformées par la présence d’exoplanètes, mais c’est une hypothèse qui reste à être confirmée dans nos observations futures. »
Un institut à la fine pointe
Pour trouver des exoplanètes en Colombie-Britannique, il faut plutôt aller à Victoria, à l’Institut Herzberg d’astrophysique. Créé en 1975, il se positionne comme le plus grand centre d’astronomie et d’astrophysique au Canada par son mandat « d’assurer le fonctionnement et la gestion des observatoires astronomiques mis sur pied ou exploités par l’État canadien ».
Il se trouve donc dans une classe à part et son statut est névralgique pour la recherche. Outre l’observatoire de Penticton, l’Institut gère les contributions canadiennes à l’observatoire Gemini Sud situé dans le désert d’Atacama au Chili, et à d’autres installations situées au sommet du Mauna Kea d’Hawaï, dont l’Observatoire Canada-France-Hawaï (TCFH).
Le chercheur principal Christian Marois indique que les exoplanètes sont un sujet majeur d’étude à l’Institut Herzberg : « Nous avons une surspécialité en imagerie d’exoplanètes dont l’imagerie adaptative, la chronographie, l’imagerie spectrale et l’interférométrie ».
Il ajoute que l’Institut développe un nouveau système d’imagerie spectrale « 100 000 plus sensible destiné au télescope Subaru, situé au Mauna Kea ». Dans un des édifices de l’Institut, il montre la bête en développement, l’instrument SPIDERS (Subaru Pathfinder pour la découverte d’exoplanètes et la récupération de spectres). « Ici, nous développons des instruments nouveaux pouvant être installés sur de futurs télescopes géants dont les miroirs auront un diamètre de plus de 30 mètres, et sur le prochain observatoire spatial Roman pour 2027. »
Un autre volet de l’Institut prend la forme d’un des plus grands centres de gestion de données astronomiques au monde: le Centre canadien de données astronomiques. Certaines des plus importantes collections de données astronomiques s’y trouvent, dont celles du TCFH, des télescopes jumeaux Gemini, du télescope James Clerk Maxwell, ainsi que des télescopes spatiaux James-Webb et Hubble. « Nous utilisons l’intelligence artificielle pour traiter nos métadonnées depuis déjà 15 ans », note Christian Marois.
Si le site de Penticton a été inauguré en 1960, c’est toutefois dès 1918 qu’est né l’Observatoire fédéral (appelé alors Observatoire d’astrophysique du Dominion), avec l’achèvement, à Victoria, d’un observatoire doté d’un télescope de 1,83 mètre. Baptisé télescope Plaskett, du nom de son premier directeur, il aura détenu pendant plus d’une quarantaine d’années le titre de plus grand télescope terrestre au monde. Depuis, on y a ajouté un miroir de 1,2 mètre en 1961 et bien d’autres instruments. De nombreuses découvertes y ont été faites, et le chercheur Christopher Mann utilise actuellement l’observatoire pour observer des exoplanètes. Détectées par d’autres télescopes, elles demandent à être mieux caractérisées.
Toutefois, l’Observatoire fédéral d’astrophysique n’est plus depuis longtemps le « plus grand » au monde. Christian Marois confirme que les exigences scientifiques étant de plus en plus élevées, l’acquisition des données se fait depuis une dizaine d’années auprès des télescopes Gemini Nord, situé au sommet du Mauna Kea, et Gemini Sud, situé dans l’hémisphère Sud, au Chili. Les priorités canadiennes se déplacent depuis longtemps déjà vers des observatoires plus imposants qui ne sont pas situés sur le territoire canadien.